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Référé provision et désordre évolutif décennal

23 septembre 2024

Le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a octroyé une provision à un EHPAD qui recherchait la responsabilité décennale de constructeurs pour des désordres qui, bien que n’ayant pas atteint le degré de gravité requis, étaient évolutifs.

Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a procédé à des travaux de restructuration et d’extension de l’une de ses résidences. Quelques années après l’achèvement des travaux, l’EHPAD a constaté un certain nombre de désordres affectant les carrelages mis en œuvre. Après une expertise amiable, puis une expertise judiciaire, mettant en évidence des désordres évolutifs, l’EHPAD a saisi le juge du référé provision du tribunal administratif de Limoges afin d’obtenir la condamnation des constructeurs concernés. Le juge des référés a rejeté la demande de l’EHPAD qui a donc fait appel de l’ordonnance rendue.

Le premier juge a en effet estimé que les désordres dénoncés n’avaient pas atteint le degré de gravité décennale requis dans le délai d’épreuve de dix ans et qu’il ne résultait pas de l’instruction qu’il existait « une probabilité d’accélération des dommages, qui conduirait, de manière suffisamment certaine, à une impropriété de l’ouvrage à sa destination avant le terme de la garantie décennale des constructeurs ». Ce faisant, il a appliqué la jurisprudence de principe en matière de garantie décennale selon laquelle « des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage, de nature à compromettre la solidité de celui-ci ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent [la] responsabilité [des constructeurs], même si ces désordres ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans (…) » (CE, 15 avril 2015, Commune de Saint-Michel-sur-Orge, req. n° 376229). Faisant application du même principe, le juge d’appel a eu une appréciation différente puisqu’il a retenu, sur la base du rapport de l’expert, que les désordres présentaient un caractère évolutif. Les conditions pour engager la responsabilité décennale des constructeurs et octroyer une provision au maître d’ouvrage étaient donc réunies.

Cette ordonnance vient illustrer tout l’intérêt du référé provision en matière de responsabilité décennale. Quand bien même les désordres n’auraient pas acquis la gravité décennale requise, cette circonstance ne constitue pas pour autant nécessairement une contestation sérieuse si le caractère évolutif des désordres est avéré.

CAA Bordeaux 28 août 2024, EHPAD La Bruyère, req. n° 23BX02502

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