Par un arrêt du 24 avril 2024, la Cour administrative d’appel de Nantes vient faire une application stricte mais fidèle des conditions d’engagement de la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie de parfait achèvement et de la garantie décennale.
Le litige concerne l’exécution d’un marché public de travaux portant sur la réalisation, pour le compte de la Commune de Brest, d’un revêtement de sol sportif d’un gymnase. Alors que l’ouvrage a été réceptionné sans réserve, le maître d’ouvrage a relevé des dégradations sur le sol quelques mois plus tard et adressé, un an jour pour jour après la réception, un courrier à l’entreprise titulaire du marché en lui demandant si le revêtement répondait aux exigences de la pratique du roller. A l’issue d’une expertise judiciaire, le maître d’ouvrage a assigné l’entreprise en responsabilité et interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Rennes qui l’a débouté de ses demandes.
La Cour administrative d’appel de Nantes, saisie de l’appel, confirme la position des juges de première instance et rejette les conclusions indemnitaires, aussi bien sur le fondement de la garantie de parfait achèvement que sur celui de la garantie décennale.
Sur les conditions d’application de la garantie de parfait achèvement, la Cour administrative d’appel considère d’abord que le courrier du maître d’ouvrage qui se borne à faire état de dégradations du sol et à demander à l’entreprise « si la qualité de revêtement répond aux exigences de la pratique du roller » ne peut être regardé comme « une mise en demeure explicite de nature à interrompre » le délai de la garantie de parfait achèvement (v. également en ce sens : CE 13 octobre 1989, Société Etrarec c/ Commune de Boulogne Billancourt, req. n°51656 ; CAA Nantes 4 juin 2010, Société Nouvelle Renaud SAS, req. n°09NT02642). Cette solution va dans le sens de la position stricte du juge, considérant par exemple que les observations d’un maître d’œuvre ne constituent pas une décision de prolongation de la GPA au sens du CCAG Travaux (CAA Lyon, 16 septembre 1999, Commune de Mison, req. n°95LY00221), de même qu’une demande d’expertise (CAA Nantes, 7 mai 1996, Commune de Saint-Mard-de-Fresne, req. n°93NT01033 ; CAA Bordeaux 16 décembre 1996, OPHLM de Narbonne, req. n° 95BX00809). Par ailleurs, selon la Cour administrative d’appel, si le courrier a bien été envoyé dans le délai d’un an, un an jour pour jour après la date de réception, rien ne prouve que l’entreprise l’ait reçu dans ce délai d’épreuve d’un an.
Sur les conditions d’application de la garantie décennale, là encore la Cour administrative d’appel fait application des principes jurisprudentiels faisant peser sur le constructeur une présomption de responsabilité qui ne peut être levée « que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables » (v. par ex. CE 28 février 2016, Commune de Rennes-les-bains, req. n°387428, concl. Pellissier ; CE 6 avril 2018, Commune de Thenay, req. n°406089 ; CE Sect. 30 janvier 1981, SARL Gallego Frères et Cie, req. n°15351, Rec. p. 43), ou « s’il apparaît que les désordres sont totalement étrangers au domaine contractuellement défini de [son] intervention » (concl. O. Henrard sur CE 6 avril 2018, préc.). Or, en l’espèce, la Cour administrative d’appel relève, sur la base des conclusions de l’expert judiciaire, qu’aucune non-conformité dans la pose du sol n’est à relever et que les désordres sont « inhérents à des sollicitations non prévues par les textes réglementaires ». Les désordres ne sont donc pas imputables à l’entreprise, les conclusions indemnitaires formulées par le maître d’ouvrage sur ce fondement sont donc également rejetées.
La requête d’appel de la commune est donc rejetée.
CAA Nantes 5 avril 2024, Commune de Brest, req. n° 23NT00580