Le pouvoir réglementaire a, par la publication de plusieurs dizaines de décrets, précisé dans quels cas il sera fait application du principe selon lequel le silence gardé par l’administration sur une demande formée par un administré pendant un délai de deux mois vaut acceptation récemment proclamé par la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013 (JO du 1er novembre 2014, Décrets n°2014-1264 et suivants). Ce faisant, le pouvoir réglementaire a apporté de nouveaux tempéraments et exceptions à une loi dont la portée était déjà restreinte.
Pour mémoire jusqu’à l’adoption de la loi du 12 novembre 2013 précitée, le silence gardé par l’administration sur une demande pendant un délai de deux mois valait – en principe et sauf exception législative – refus. Ce principe, notamment reconnu par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, avait pour finalité d’ouvrir aux citoyens une voie de recours contentieux : certes l’administré n’obtenait pas immédiatement ce qu’il souhaitait, mais il pouvait contester dans le cadre d’un recours gracieux ou juridictionnel la décision administrative de refus qui était née du silence gardé par l’administration. Toute autre est l’ambition affichée par la loi du 12 novembre 2013 précitée : il s’agit désormais de contraindre l’administration à agir avec célérité, et pour cause, le silence gardé par cette dernière pendant un délai de deux mois vaudra désormais – en principe – autorisation. Cette réforme qui se voulait ambitieuse et qui a parfois été présentée comme une « révolution » pourrait toutefois emporter, en pratique, moins de conséquences qu’escompté.
En effet, rappelons – tout d’abord – que la loi du 12 novembre 2013 précitée comporte des restrictions significatives. Premièrement, la loi du 12 novembre 2013 précitée a précisé que seules les procédures et demandes administratives identifiées à cette fin par le pouvoir réglementaire pourraient donner naissance à une autorisation implicite. En outre, cette même loi avait restreint la marge de manœuvre du pouvoir réglementaire car il était précisé que ce principe n’aurait pas vocation à s’appliquer à certaines demandes et notamment celles ne tendant pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle, celles présentant le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif et enfin les demandes ayant un caractère financier.
Les décrets d’applications de la loi du 12 novembre 2013 ont à nouveau restreint la portée de ce principe.
D’une part, les décrets d’application publiés le 1er novembre dernier, ont prévu de nombreux délais dérogatoires au délai de deux mois de droit commun institué par la loi. Ainsi et à titre d’exemple on peut souligner que, s’agissant d’une demande tendant à l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur le silence gardé par l’administration ne vaudra autorisation implicite qu’à l’expiration d’un délai d’un an (Décret n°2014-1271). De même, le silence gardé par l’administration sur des demandes tendant à l’autorisation de l’exploitation d’une installation minière, l’agrément d’une association de protection de l’environnement ou à un regroupement familial ne vaudra décision implicite d’acceptation qu’à l’expiration d’un délai de six mois (Décrets n° 2014-1272 et 2014-1292).
D’autre part, sont exclues par le pouvoir réglementaire du champ d’application de cette nouvelle loi de nombreuses procédures et demandes administratives. A cet égard et à titre d’exemple, on peut souligner que ne sauraient donner naissance à une autorisation implicite d’acceptation les demandes tendant à certaines utilisations de données publiques ( Décret n° 2014-1264), l’occupation temporaire des domaines public maritime ou routier (Décret n°2014-1273), la délivrance de laisser-passer (Décret n°2014-1267) ou de visas (Décret n° 2014-1292) ou enfin le transfert de certaines matières nucléaires (Décret n° 2014-1266).
Au final, selon un compte-rendu du Conseil des ministres en date du 22 octobre 2014, sur 3600 procédures administratives recensées, seules 1200 seraient effectivement concernées par le nouveau dispositif. En conséquence, en dépit de ce renversement de logique, le silence gardé par l’administration ne donnera pas lieu dans la plupart des cas à la naissance d’une décision implicite d’acceptation. En raison des enjeux juridiques et contentieux évidents, il appartiendra toutefois à l’administration d’identifier avec précision quelles décisions sont effectivement concernées par le dispositif. Sur ce point, il convient de souligner que les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d’une mission de service public bénéficieront d’environ un an pour anticiper la mise en œuvre de cette réforme, au contraire des administrations centrales et des établissements publics nationaux à l’égard desquelles la loi du 13 novembre 2013 précitée entrera en vigueur dès le 12 novembre prochain.