Par un arrêt du 14 mai 2024, le Conseil d’Etat précise que la durée d’une médiation ordonnée par le juge doit être prise en compte pour évaluer le caractère raisonnable du délai de jugement.
La requérante, fonctionnaire de l’administration pénitentiaire, demandait l’annulation de la décision implicite de rejet opposée par le Garde des Sceaux à sa demande d’indemnisation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la durée excessive des procédures engagées devant la juridiction administrative portant sur des recours contre diverses sanctions disciplinaires et notations professionnelles.
Le Conseil d’Etat fait alors application de sa jurisprudence Magiera qui, se fondant sur l’article 6 de la CEDH, reconnaît la responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement défectueux du service public de la justice administrative lorsque la durée de la procédure est jugée excessive (CE Ass. 28 juin 2002, Magiera, req. n° 239575, Publié au recueil Lebon).
La requérante mettant en cause la durée excessive de plusieurs procédures, le Conseil d’Etat se livre à une appréciation individuelle de chacun des délais écoulés entre la date de saisine du tribunal et la date du jugement rendu.
Le véritable apport de l’arrêt réside dans l’appréciation du délai raisonnable de jugement lorsqu’une médiation s’insère dans la procédure conduite devant le juge administratif. Le Conseil d’Etat juge en effet que lorsque la médiation est ordonnée par ce dernier, il lui appartient « de veiller à ce que le délai dans lequel est jugé ce litige demeure raisonnable ». En l’espèce, une tentative de médiation ordonnée par le juge pour certains contentieux avait échoué après environ 6 mois de discussions, qui sont donc inclus dans la grille d’appréciation du Conseil d’Etat pour évaluer le caractère raisonnable du délai de jugement.
Est notamment jugé comme excessif, le délai de trois ans et deux mois avant qu’un jugement soit rendu ; ce qui conduit à la condamnation de l’Etat à verser à la requérante une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral. En revanche, un délai de 2 ans et près de 11 mois n’est pas considéré comme présentant un caractère excessif.
La requérante sollicitait également une indemnisation pour la durée globale de jugement de l’ensemble des contentieux, s’élevant à plus de six ans et demi mais le Conseil d’Etat juge que les recours constituent des litiges distincts, faisant obstacle à une appréciation globale du délai de jugement.
Cette décision se présente donc comme une application rigoureuse de la jurisprudence Magiera, rappelant aux juridictions administratives la nécessité de gérer les temps de procédure, y compris lorsqu’elles tentent de favoriser les résolutions amiables des litiges.