Par une décision du 1er juillet 2024, la Cour administrative d’appel de Versailles a considéré que pour apprécier si un recours gracieux introduit dans le délai de recours contentieux avait pu conserver ce délai, c’est la date d’expédition du courrier qui devait être prise en compte.
Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Versailles est amenée à se prononcer sur la recevabilité d’une requête dirigée contre des arrêtés dont le délai de recours contentieux a été interrompu par l’introduction d’un recours gracieux. Plus précisément, le requérant a, par un recours gracieux expédié le 29 mai 2018, et reçu par la commune le 30 mai suivant, demandé le retrait des arrêtés litigieux notifiés le 28 mars 2018.
Pour juger la requête recevable, la Cour administrative d’appel de Versailles commence par rappeler que le délai de recours contentieux contre une décision administrative est de deux mois (CJA, art. R. 421-1), lequel peut être interrompu par un recours gracieux ou hiérarchique exercé dans ce délai (CE 5 mai 2011, Ministre de l’Ecologie, req. n° 336893, au Recueil). Puis, faisant une application de la solution récente rendue par le Conseil d’Etat (CE Section 13 mai 2024, req. n° 466541, au Recueil), la Cour administrative d’appel considère que « (…) la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Ces principes sont également applicables aux recours administratifs non obligatoires ».
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Versailles, pour juger que le recours gracieux a interrompu le délai de recours contentieux contre les arrêtés litigieux du 28 mars 2018, retient la date d’expédition du courrier par lequel le requérant a formé son recours gracieux, à savoir le 29 mai 2018.
Elle invite donc le Conseil d’Etat, d’une part, à faire évoluer sa jurisprudence selon laquelle, pour les recours administratifs non obligatoires, c’est la date de réception par l’autorité administrative du recours qui doit être prise en compte pour apprécier le respect par l’auteur du recours administratif du délai de recours contentieux (CE 21 mars 2003, Préfet de police, req. n° 240511 ; CE 30 janvier 2019, req. n° 410603) et, d’autre part, à s’aligner sur ses jurisprudences selon lesquelles pour les recours juridictionnels (CE Section 13 mai 2024, req. n° 466541, au Recueil) et pour les recours administratifs préalables obligatoires (CE 27 juillet 2005, req. n° 271916 ; CE 30 mars 2011, Ministère de l’Education, req. n° 344811), c’est la date d’expédition qui doit être prise en compte pour apprécier le respect du délai de recours contentieux.
Enfin, il n’est pas inutile de préciser que la Cour administrative d’appel de Douai a déjà fait une application de la solution rendue par le Conseil d’Etat à un « recours administratif formé par un administré » (CAA Douai 7 juin 2024, Commune de Chantilly, req. n° 23DA00232).