Par une décision du 15 avril 2024, le Conseil d’Etat précise que les indemnités versées au titre de l’occupation sans titre du domaine public ne constituent ni des produits ni des redevances au sens de l’article L. 2321-4 du CGPPP, de sorte que les demandes présentées à ce titre sont soumises aux règles de prescription posées par l’article 2224 du code civil.
Un contrat relatif à l’occupation et à la desserte d’un emplacement sur une parcelle située dans l’emprise d’une gare a été attribué à une société qui a, elle-même, autorisé une autre entreprise à occuper gratuitement un atelier situé sur ce terrain.
En 2019, il a été constaté par le gestionnaire du domaine que le dirigeant de l’entreprise autorisé par le titulaire de la convention à occuper ledit atelier occupait sans droit ni titre, sur cette parcelle, un entrepôt ainsi qu’un terrain adjacent. En 2020, il a donc été demandé au Tribunal administratif de Melun d’enjoindre à ce dirigeant, ainsi qu’à tous les occupants de son chef, de quitter les lieux sans délai sous astreinte et de le condamner à verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de cette occupation irrégulière depuis le 1er janvier 2014. Le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande d’injonction et a condamné l’occupant à verser des indemnités d’occupation sans droit ni titre, condamnation confirmée sur le principe mais ramenée à une somme inférieure par la Cour administrative d’appel de Paris.
Saisi d’un pourvoi en cassation par l’occupant, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé les règles de prescription applicables aux redevances d’occupation du domaine public, en particulier les articles L. 2321-4 et L. 2125-4 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), qui prévoient, d’une part, que les produits et redevances du domaine public se prescrivent par cinq ans à compter de la date à laquelle ils sont devenus exigibles et, d’autre part, que la redevance due pour occupation ou utilisation du domaine public par le bénéficiaire d’une autorisation est payable d’avance et annuellement. Autrement dit, les redevances d’occupation du domaine public deviennent exigibles au début de chaque période annuelle et se prescrivent par cinq ans à compter de cette date.
Ceci posé, le Conseil d’Etat s’intéresse ensuite plus précisément aux règles de prescription applicables aux indemnités d’occupation sans titre du domaine public en rappelant que l’occupation irrégulière de celui-ci constitue une faute autorisant le gestionnaire du domaine à demander une indemnité au titre de la période d’occupation concernée, afin de compenser les revenus qu’il aurait pu percevoir d’un occupant régulier. Cette indemnité est, quant à elle, exigible au terme de chaque journée d’occupation irrégulière.
Il en résulte que les actions tendant à obtenir la réparation du préjudice subi à raison de l’occupation sans titre du domaine public ne constituent pas des produits ou des redevances du domaine public au sens de l’article L. 2321-4 du CGPPP, de sorte que le Conseil d’Etat fait application de l’article 2224 du code civil, prévoyant un délai de prescription de cinq ans, interrompu le cas échéant dans les conditions également fixées par le code civil.
Ce faisant, le Conseil d’Etat censure le raisonnement des premiers juges qui avaient considéré que l’indemnité d’occupation irrégulière due au titre de l’année 2014 était atteinte par la prescription en se fondant sur l’article L. 2321-4 du CGPPP, lequel rend exigibles les redevances du domaine à l’issue de chaque période annuelle, jugeant donc que celles relatives à l’année 2014 était devenues exigibles au 1er janvier 2015 et, partant, que la prescription quinquennale n’était pas acquise à la date du constat d’occupation sans titre. Il estime en effet que seules les dispositions de l’article 2224 du code civil s’appliquent à l’action tendant à obtenir la réparation du préjudice tiré de l’occupation sans titre du domaine, de sorte que la créance indemnitaire invoquée, devenant exigible au terme de chaque journée d’occupation irrégulière et non au début de chaque période annuelle, était bien prescrite pour toute l’année 2014, à la date de la requête.