Le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de l’exécution d’un refus de permis de construire, doit apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de ce refus sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. Tel n’est pas le cas lorsque la demande de permis de construire a pour objet de régulariser une construction déjà édifiée, sans autorisation.
Dans cette affaire, le maire d’une commune, après avoir sollicité du pétitionnaire la production d’une pièce complémentaire, a rejeté sa demande de permis de construire portant régularisation de la construction d’une extension de 57 m² d’emprise au sol. Son refus a été suspendu par le juge des référés du Tribunal administratif de Nice.
En premier lieu, le Conseil d’Etat, saisi du pourvoi, annule l’ordonnance au motif que la demande de communication de la lettre du préfet relative au défrichement des parcelles du pétitionnaire faisait bien partie des pièces dont la présence au dossier est requise par l’article R. 431-19 du code de l’urbanisme, de sorte qu’aucun permis tacite n’était intervenu à l’issue du délai d’instruction et que le motif de refus fondé sur la méconnaissance des règles de hauteur, que l’administration pouvait substituer en cours d’instance au motif initial de sa décision, était justifié.
En second lieu, se prononçant au fond, le Conseil d’Etat rappelle qu’« [i]l appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi d’une demande de suspension d’un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 de ce code […], d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d’un permis de construire provisoire à l’issue d’un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés. » (voir. init. CE, 7 octobre 2010, Sarl First Invest, req. n° 395211, concl. Xavier de Lesquen).
En l’espèce, il considère que la condition d’urgence n’est pas réunie dès lors que « la demande de permis de construire […] a pour objet de régulariser une construction édifiée plusieurs années auparavant sans autorisation, de sorte que la situation d’urgence dont il se prévaut résulte de son absence de respect des règles d’urbanisme », qu’« il n’est établi ni que son épouse et lui-même se trouveraient dans une situation financière et familiale telle qu’elle puisse caractériser une urgence à ce que les effets de la décision de refus de permis de construire du 28 août 2023 soient suspendus, ni, surtout, que la délivrance d’un permis de construire à caractère seulement provisoire à laquelle pourrait conduire le réexamen de la demande que le juge des référés pourrait ordonner en conséquence d’une telle suspension suffirait à ce que le requérant puisse vendre son bien à bref délai en dépit de l’irrégularité de la construction édifiée. ».
Cette solution peut être mise en perspective avec une décision plus ancienne (CE, 5 mai 2006, Société SCEA La Frenaie, req. n° 285655,mentionné aux Tables) dans laquelle le Conseil d’Etat avait considéré qu’en matière de refus de permis de construire de régularisation, le juge devait prendre en compte le risque de démolition d’office par l’autorité administrative en cas de condamnation à démolir prononcée par une juridiction judiciaire.
En pratique, le refus de permis de construire a pu être suspendu lorsqu’une promesse de vente a été conclue sous condition suspensive et que la caducité de la promesse de vente est imminente (CE, 29 janvier 2010, Lagravère, req. n° 330480), compte-tenu de l’existence de refus successifs annulés par des jugements devenus définitifs (CE, 9 mai 2001, Commune de Scy-Chaelles, req. n° 230705 ; voir aussi CE, 20 juillet 2023, Sarl DEFI, req. n° 467318) ; ainsi qu’au regard d’une grave incidence financière (TA Nice, 7 juillet 2009, req. n° 0901719).
CE, 4 février 2025, Commune de Contes, req. n° 494180.