Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, annuler le licenciement d’un salarié autorisé par une décision administrative devenue définitive sur le fondement d’une discrimination syndicale. Il reste en revanche compétent pour attribuer des dommages intérêts au salarié victime d’une discrimination syndicale pendant la période antérieure au licenciement.
Dans cette affaire, l’employeur obtient l’autorisation de l’inspection du travail de licencier un salarié protégé pour motif économique. Le salarié saisit le conseil de prud’hommes de demandes en paiement au titre de la discrimination syndicale et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le licenciement est déclaré entaché de nullité par les juges du fond en ce qu’il a été prononcé dans un contexte de discrimination syndicale, ce que l’employeur conteste au motif que l’autorisation administrative de licenciement affirme expressément « l’absence de lien entre la demande d’autorisation de licenciement et le mandat exercé par le salarié ». Elle établit ainsi que le licenciement n’avait eu ni pour objet ni pour effet de faire échec au mandat représentatif. Sur ce point, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et affirme que le juge judiciaire ne peut dire nul le licenciement en raison de cette discrimination syndicale sans violer le principe de la séparation des pouvoirs.
Cependant, la Cour de cassation valide l’indemnisation du préjudice moral résultant de la discrimination syndicale, au motif que le salarié présente des éléments laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, et que l’employeur ne démontre pas que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Elle rappelle à cet égard sa jurisprudence : « si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment l’existence d’une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière du salarié » et s’inscrit dans la lignée d’un précédent arrêt en ce sens (Cass. Soc. 29 mai 2019, n°1723.028).
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 janvier 2024, 22-20.778, Publié au bulletin