Par trois décisions rendues le 24 mai 2017, le Conseil d’État apporte diverses précisions sur le régime juridique des concessions de services, qui, rappelons-le, ont été intégrées dans le droit interne par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016.
D’abord, par un arrêt Syndicat intercommunal à vocation unique de la station d’épuration du Limouxin, le Conseil d’État précise le champ d’application temporel de l’ordonnance précitée du 29 janvier 2016. Pour mémoire, l’article 78 de cette ordonnance prévoit qu’elle s’applique aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis de concession est envoyé à la publication à compter du 1er avril 2016. Or, dans cette affaire, l’autorité concédante avait approuvé le principe du recours à une délégation de service public par une délibération du 29 février 2016, mais n’avait publié l’avis d’appel public à la concurrence que le 16 avril 2016. Le Conseil d’État juge que la délibération qui a pour objet d’entériner le principe d’une mise en gestion déléguée d’un service public et d’autoriser l’autorité exécutive compétente à lancer la consultation intervient antérieurement à l’engagement de la consultation des opérateurs économiques, et par conséquent, ne peut être regardée comme la première étape de l’engagement d’une consultation en vue de l’attribution d’une concession. Dès lors, l’ordonnance du 29 janvier 2016 doit s’appliquer à un tel contrat de concession.
Ensuite, par un arrêt Société Régal des Iles, le Conseil d’État revient sur la définition de la concession, et plus particulièrement sur la distinction entre concession et marché public. À cet égard, il revient sur la notion de risque, au sujet de laquelle l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016, repris en cela par l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, prévoit que « la part de risque transférée au délégataire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable ». Or, en l’espèce, le titulaire du contrat, en charge du service public de restauration municipale, ne supportait qu’un risque négligeable. En effet, en plus des recettes perçues sur les usagers, il percevait une subvention forfaitaire d’exploitation annuelle versée par la commune, ainsi qu’un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune, le tout couvrant 86 % de la rémunération attendue. Ainsi, le risque économique du cocontractant ne portait que sur des données qui n’étaient pas susceptibles de varier de manière substantielle, à savoir la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, les variations de la fréquentation des cantines et les impayés. Par suite, en l’absence réelle exposition aux aléas du marché, le Conseil d’État a requalifié le contrat en marché public.
Enfin, par un arrêt Commune de Limoux, le Conseil d’État apporte un éclairage sur les modalités de la mise en concurrence. Dans cette affaire, la commune, qui souhaitait déléguer le service public de l’eau potable, a demandé aux candidats de remettre une offre financière valable uniquement dans l’hypothèse où le candidat se verrait attribuer à la fois la délégation du service public de l’eau potable et celle de l’assainissement, qui faisait l’objet d’une mise en concurrence lancée par le syndicat de communes compétent. Le Conseil d’État considère que l’autorité concédante ne peut pas « demander aux candidats de lui remettre une offre conditionnelle tenant compte d’une procédure de passation mise en œuvre par une autre autorité concédante ou prendre en compte, pour choisir un délégataire, des éléments étrangers à ce contrat ». Par conséquent, il estime que c’est à bon droit que les juges du fond ont censuré ces modalités de mise en concurrence.
Références
CE 24 mai 2017 Commune de Limoux, req. n° 407431 : sera mentionné dans les tables du recueil Lebon