Par une décision en date du 13 avril 2021, mentionnée aux tables du recueil, le Conseil d’Etat a jugé que les pièces comptables d’un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public ne sont communicables que s’il existe un lien suffisamment direct entre les opérations retracées par les documents demandés et la mission de service public de l’organisme de droit privé considéré.
En l’espèce, il était demandé au président d’une fédération sportive la communication des relevés de banque retraçant les opérations des cartes bleues du président et du directeur technique national de la fédération, les justificatifs comptables de ces opérations, les notes de remboursement de frais du président et les rapports établis par la commission financière de la fédération.
Pour la première fois, le Conseil d’Etat considère que, les pièces comptables se rapportant à des dépenses d’un organisme de droit privé peuvent faire l’objet d’une communication au titre de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).
Rappelons qu’il existe un droit d’accès aux documents administratifs, codifié aux articles L. 300-1 et suivants du CRPA. L’applicabilité de ces dispositions aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public dépend en principe du lien que présentent les documents demandés avec leur mission de service public (article L. 300-2 du CRPA). Si ce lien est suffisamment direct, alors les documents peuvent être qualifiés d’administratifs.
Le Conseil d’Etat a déjà considéré que des documents comptables d’un organisme de droit privé exerçant une mission de service public présentaient, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs communicables (CE 25 juillet 2008, Commissariat à l’énergie atomique c/ Fristot, req. n° 280163). En revanche, il n’avait jamais statué sur le caractère communicable de document se rapportant à des justificatifs comptables relatifs aux dépenses d’une entité privée.
Si le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déduit le rattachement des documents dont la communication était demandée aux missions de service public de la fédération, dès lors qu’ils étaient relatifs au budget et aux comptes de cette dernière, le Conseil d’Etat n’a pas retenu cette lecture et a privilégié une interprétation plus restrictive.
Ainsi, le Conseil d’État juge que, « S’agissant des documents détenus par un organisme privé chargé d’une mission de service public, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public constituent des documents administratifs communicables en vertu de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration (…) ». Il joute que « Si les comptes d’un tel organisme, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs, les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l’organisme ne constituent des document administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu’elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public ».
Dès lors, « en ne recherchant pas s’il existait un lien suffisamment direct entre les opérations retracées par les documents demandés et la mission de service public dévolue à la fédération, alors que cette dernière soutenait exercer aussi des activités privées, le tribunal a entaché son jugement d’une erreur de droit ».
Cette décision étend donc le périmètre des documents pouvant être communiqués par une personne privée aux pièces comptables se rapportant à ses dépenses, mais sous réserve que les opérations retracées par ces documents présentent par elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public.