Par un arrêt du 22 septembre 2023, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel un requérant dispose de la possibilité de formuler plusieurs demandes en référé suspension ayant le même objet, en faisant valoir des moyens ou éléments nouveaux. En revanche, il retient que l’intervention d’une nouvelle décision de rejet prive d’objet le pourvoi en cassation dirigé contre une précédente ordonnance de rejet.
Par un arrêté du 3 mai 2021, le maire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains a pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable effectuée par M. B. en vue de travaux portant sur la réhabilitation d’une ancienne ferme. Puis, agissant au nom de l’Etat, il a, par un arrêté du 31 août 2022, ordonné l’interruption des travaux sur le fondement de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme.
Dans ce cadre, M. B. a saisi à trois reprises le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de demandes tendant à la suspension de l’arrêté portant interruption des travaux. Par trois ordonnances des 14 octobre 2022, 10 janvier et 1er mars 2023, le juge des référés a rejeté ces requêtes pour défaut d’urgence.
- B. a donc formé un pourvoi en cassation contre la troisième ordonnance de rejet (art. R. 523-1 du code de justice administrative) et, dans le même temps, présenté une quatrième demande de suspension de l’arrêté litigieux, laquelle a également été rejetée par une nouvelle ordonnance.
Saisi du pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat commence par rappeler une solution jurisprudentielle récente selon laquelle un requérant dispose de la possibilité de formuler des demandes successives ayant le même objet sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, en jugeant que « Si les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l’urgence sont exécutoires et, en vertu de l’autorité qui s’attache aux décisions de justice, obligatoires, elles sont, compte tenu de leur caractère provisoire, dépourvues de l’autorité de chose jugée. Il en résulte que la circonstance que le juge des référés a rejeté une première demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce que le même requérant saisisse ce juge d’une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu’ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine » (CE, 29 juin 2020, SCI Eaux douces, req. n° 435502, aux Tables).
En revanche, statuant sur les effets de l’intervention d’une nouvelle ordonnance du juge des référés sur le pourvoi formé contre l’ordonnance précédente, les juges du Palais-Royal abandonnent leur jurisprudence antérieure (CE, 8 juillet 2015, Sarl Pompes funèbres lexoviennes, req. n° 385043) et retiennent que, lorsque le demandeur, après le rejet d’une demande de suspension, « fait usage de cette faculté en saisissant à nouveau le juge des référés de conclusions ayant le même objet et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l’intervention, postérieurement à l’introduction de ce pourvoi, d’une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend, eu égard à la nature de la procédure de référé, sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n’est pas devenue définitive ».
Ainsi, l’intervention d’une quatrième ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble rejetant la demande du requérant prive d’objet le pourvoi en cassation formé par ce dernier contre la troisième ordonnance.
CE Section 22 septembre 2023, M.B. c/ Commune de Saint-Gervais-les-Bains, req. n° 472210, au Recueil