Le Conseil d’Etat vient de préciser que les dispositions de l’article L. 111-16 du code de l’urbanisme n’ont ni pour objet ni pour effet d’écarter l’application des dispositions réglementaires d’un plan local d’urbanisme relatives à l’aspect extérieur des constructions qui, sans interdire l’utilisation des matériaux ou procédés visant à améliorer la performance écologique des constructions, imposent la bonne intégration des projets dans le bâti existant et le milieu environnant.
Dans cette affaire, le maire de la commune de Montbonnot-Saint-Martin avait pris une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux déposée par les pétitionnaires, tendant à régulariser la pose sur leur toit de panneaux solaires thermiques, tout en l’assortissant d’une prescription relative à l’insertion de ces panneaux dans la pente du toit. Les pétitionnaires contestaient cette prescription au motif que les dispositions de l’article L. 111-16 du code de l’urbanisme écartaient de plein droit les règles du PLU relatives à la forme des toitures.
Pour rappel, l’article L. 111-16 précité prévoit que « Nonobstant les règles relatives à l’aspect extérieur des constructions des plans locaux d’urbanisme, […], le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable […]. Le permis de construire ou d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable peut néanmoins comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant ».
Faisant application de cet article, le Conseil d’Etat confirme l’opposabilité des règles du PLU relatives à la bonne intégration des projets dans le bâti en jugeant, au cas d’espèce, que les dispositions du PLU applicable « n’interdisent pas la pose de panneaux solaires sur les toitures mais exigent que leur insertion soit cohérente avec l’architecture de la construction sur laquelle ils sont installés » et pouvaient donc fonder la prescription querellée. Et après avoir estimé que les contraintes techniques liées à la pose d’un système de panneaux solaires n’imposaient pas la seule configuration choisie et réalisée par les requérants, il confirme, au fond, la mauvaise intégration du projet dans l’environnement.
Les conclusions du Rapporteur public Nicolas AGNOUX nous éclairent utilement sur la portée qu’il convient de donner à cette décision : d’une part, les prescriptions qui interdisent, directement ou indirectement (par des règles de hauteur ou de dimension par exemple), tout recours à des procédés ou matériaux de performance énergétique sont de jure inopposables ; d’autre part, à l’instar de l’article R. 111-26 du code de l’urbanisme relatif aux conséquences dommageables pour l’environnement, tel qu’interprété par la jurisprudence (CE, 6 décembre 2017, req. n° 398537, mentionné aux Tables), l’article L. 111-16 ne saurait justifier un refus d’autorisation mais uniquement des prescriptions. Il s’agit d’une importante contrainte puisque, conformément à la jurisprudence Sieur Rouge (CE, 5 mai 1972, req. n° 78627, publié au recueil Lebon), les prescriptions ne peuvent entraîner des modifications que sur des points précis et limités sans nécessiter la présentation d’un nouveau projet. Ainsi, si les prescriptions devaient avoir pour effet de remettre en cause la réalisation du projet présenté par le pétitionnaire, elles devraient en toute logique être neutralisées par le juge.
Les collectivités pourront alors s’appuyer sur les mécanismes visés à l’article L. 111-17 du code de l’urbanisme, pour écarter par avance l’application de l’article L. 111-16 du même code, notamment en définissant un périmètre spécifiquement motivé par la protection du patrimoine bâti ou non bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines.
CE, 4 octobre 2023, req. n° 467962, mentionné aux Tables, et les conclusions.