Dans un avis en date du 27 juin 2024 à mentionner aux tables, le Conseil d’Etat considère que le jugement se prononçant sur une requête comportant à la fois des conclusions indemnitaires de faible montant et des conclusions à fin d’injonction de faire cesser les causes d’un dommage de travaux publics ou d’en pallier les effets est, dans son ensemble, susceptible d’appel.
A l’origine de cette demande d’avis, se trouve une demande d’un justiciable tendant à l’indemnisation des dommages causés à sa remorque du fait de la présence d’un ralentisseur routier, évalués à un peu plus de 1 000 euros et aussi à la démolition de l’ouvrage. La requête a été rejetée par le tribunal, statuant en juge unique, sur le fondement des dispositions de l’article R. 222-13 du code de justice administrative (CJA) qui vise les actions indemnitaires dont le montant demandé est inférieur à 10 000 euros.
Alors que le courrier de notification indiquait au requérant que le jugement relevait de la cassation, conformément à ce que prévoit l’article R. 811-1 du CJA pour ces demandes de faible montant, ce dernier a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Lyon qui, se questionnant sur sa propre compétence, a posé au Conseil d’Etat la question suivante :
« Pour l’application des articles R. 222-13 et R. 811-1 du code de justice administrative, la circonstance que le requérant, qui a présenté des conclusions indemnitaires de faible montant sur le fondement des dommages de travaux publics, a également formé des conclusions à fin d’injonction tendant à la démolition de l’ouvrage public, exclut-elle ou non que le litige puisse être regardé comme relevant de la compétence du juge unique, statuant en premier et dernier ressort ? »
S’agissant d’abord de la détermination de la compétence du juge unique, le Conseil d’Etat confirme que la demande comportant à la fois des conclusions indemnitaires et des conclusions, liées aux précédentes, à fin d’injonction de faire cesser les causes du dommage ou d’en pallier les effets, entre bien dans le champ de compétence du juge unique lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant des articles R. 222-14 et R. 222-15 du CJA, qui prévoient actuellement un seuil de 10 000 euros.
Une telle logique n’est en revanche pas valable pour déterminer si le juge statue en premier et dernier ressort sur une telle demande. Le Conseil d’Etat s’appuie alors sur les dispositions de l’article R. 811-1 du CJA qui listent les matières privées de possibilité d’appel et précise, s’agissant des demandes de faible montant qui sont jugées en premier et dernier ressort, qu’« en cas de connexité avec un litige susceptible d’appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l’objet d’un appel ».
Cet avis s’inscrit dans le cadre des jurisprudences Monte Carlo Hill et La Closerie, dont la première avait ouvert au juge la possibilité d’enjoindre à l’administration de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à un dommage de travaux publics (CE 6 décembre 2019, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Monte-Carlo Hill, req. n° 417167, Publié au recueil) et la seconde avait exclu la possibilité de présenter une demande d’injonction dénuée de toute demande indemnitaire (CE, avis cont., 12 avril 2022, Société La Closerie, req. n° 458176). Il précise donc que lorsque le juge statue sur une demande tendant à enjoindre à l’administration de faire cesser les causes du dommage de travaux publics et à l’indemnisation d’un préjudice de faible montant, le jugement est dans son ensemble susceptible d’appel.