Par une décision du 8 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a élargi sa jurisprudence relative au « droit de se taire » tiré de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne la cantonnant plus à la seule procédure pénale mais à « toute sanction ayant le caractère d’une punition ». Deux juges administratifs des référés ont d’ores et déjà eu à connaître du moyen relatif à l’application de ce nouveau considérant de principe mais aucune décision ne s’est encore prononcée, à notre connaissance, sur son application en droit disciplinaire des agents publics.
C’est en matière de droit disciplinaire des notaires et de certains officiers ministériels que le Conseil constitutionnel a dégagé son nouveau considérant de principe, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l’ordonnance du 28 juin 1945 organisant cette procédure disciplinaire spécifique. Il a estimé que « le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire », résulte de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et que « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire ».
A noter que quelques mois avant cette décision, le Conseil d’Etat avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité similaire relative à la procédure disciplinaire applicable aux magistrats du siège, se fondant sur l’ancienne jurisprudence du Conseil constitutionnel retenant que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, n’avait vocation à s’appliquer que dans le cadre d’une procédure pénale (CE, 23 juin 2023, req. n° 473249).
Depuis cette décision du Conseil constitutionnel, deux référés suspension ont été introduits devant deux juridictions administratives différentes contre des sanctions infligées à des professionnels (expert en automobile et conducteur de taxi), soulevant le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure en l’absence de notification du droit de se taire. Si l’une des ordonnances a implicitement rejeté ce moyen (TA Rouen, 30 janvier 2024, req. n° 2400151), l’autre l’a accueilli et a donc suspendu la décision de sanction pour ce motif (TA Cergy-Pontoise, 1er février 2024, req. n° 2400163).
La question de savoir si le juge administratif fera application de ce nouveau principe à la procédure disciplinaire des agents publics se pose donc. D’ici là, il semble prudent de notifier à l’agent poursuivi son droit de se taire, afin d’écarter tout risque d’annulation contentieuse ultérieure de la sanction.