Par un arrêt du 6 juin 2024, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a considéré qu’il doit être possible, pour un soumissionnaire illégalement évincé d’une procédure de passation d’un marché public, d’être indemnisé au titre du préjudice subi du fait de la perte de chance de participer à cette procédure en vue d’obtenir le marché concerné.
En 2013, l’Association slovaque de football a exclu un consortium de la procédure de passation d’un marché public portant sur des travaux de reconstruction, de modernisation et de construction de seize stades de football, au motif qu’il n’aurait pas satisfait aux exigences de l’avis du marché concernant notamment sa capacité économique et financière. Le marché a été attribué à l’unique soumissionnaire restant en lice. Le candidat évincé a alors saisi le tribunal slovaque compétent d’un recours en dommages et intérêts au titre du préjudice qu’il prétendait avoir subi à la suite de son exclusion de la procédure. La Cour suprême slovaque a saisi ensuite la Cour de justice à titre préjudiciel afin de savoir si la Directive 89/665/CEE du 21 décembre 1989 relative aux recours en matière de marchés publics s’oppose à une réglementation excluant par principe la possibilité, pour un soumissionnaire illégalement évincé d’une procédure de passation de marché public, d’être indemnisé au titre du préjudice subi du fait de la perte de chance de participer à cette procédure en vue d’obtenir le marché concerné.
Dans cette affaire, la Cour constate que la directive exige des États membres d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation du droit de l’Union en matière de passation des marchés publics. En l’absence d’indication consistant à distinguer les différentes catégories de préjudices, la directive vise tout type de préjudice subi par les personnes, y compris ceux qui découlent de la perte d’une chance de participer à la procédure de passation d’un marché. À cet égard, la Cour rappelle que si un préjudice peut résulter de la non-obtention, en tant que telle, d’un marché public et se matérialiser comme un manque à gagner, il est également possible pour le soumissionnaire illégalement évincé de subir un préjudice distinct, lié à la chance perdue de participer à la procédure de passation de ce marché et de réaliser un bénéfice en cas d’obtention du marché à l’issue de cette procédure.
En définitive, la Cour considère que le droit de l’Union s’oppose à une réglementation ou à une pratique nationale excluant par principe la possibilité d’indemniser un soumissionnaire illégalement évincé d’une procédure de passation de marché public au titre du préjudice subi du fait de la perte de chance de participer à cette procédure en vue d’obtenir le marché concerné.
