Il appartient au juge d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il lui revient de juger si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans cette affaire, une salariée était licenciée pour faute grave. Elle invoquait un harcèlement moral lié aux conditions de la rupture de son contrat de travail. L’arrêt de la cour d’appel déboutait la salariée en retenant notamment que (i) si les conditions de l’entretien préalable étaient regrettables, puisque la salariée, qui ne s’y attendait pas, s’était retrouvée face à deux supérieurs hiérarchiques qui, en l’espace d’une heure, lui avaient remis en mains propres une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui avaient présenté un formulaire d’adhésion à un plan de départ volontaire, elle ne produisait aucun commencement de preuve qu’elle aurait été humiliée ou menacée lors de cet entretien, (ii) rien n’interdisait à l’employeur de suspendre la procédure de rupture amiable durant le cours de la procédure disciplinaire, la convention de rupture amiable n’ayant pas encore été signée, (iii) le fait d’avoir convoqué la salariée en métropole au lieu de la Guadeloupe pour faire valoir le mérite de son recours grâcieux n’était pas constitutif d’un harcèlement moral, aucun lien de causalité entre ses conditions de travail et son état de santé n’étant établi par les certificat médicaux produits.
Pour la Cour de cassation, la cour d’appel n’a pas examiné l’ensemble des faits invoqués par la salariée au titre du harcèlement moral, à savoir l’inertie de l’employeur qui a ignoré son malaise, son choc psychologique et ses pleurs survenus pendant l’entretien, la résistance de l’employeur qui n’a répondu ni à ses courriers ni à ceux de son avocat et le traitement de faveur accordé à sa supérieure hiérarchique qui, pour des faits similaires, n’a été que rétrogradée.
La Cour de cassation retient en conséquence que les juges du fond ont procédé à une appréciation séparée des éléments invoqués par la salariée, alors qu’il leur appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis et les certificats médicaux laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les éléments en cause étaient étrangers à tout harcèlement moral. L’arrêt déboutant la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral est donc cassé.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 mai 2024, 22-18.450 22-19.430, Publié au bulletin