Par un arrêt du 21 janvier 2016 publié au bulletin, la Cour de cassation tranche le débat relatif aux contraintes de constructibilité pouvant résulter d’un cahier des charges de lotissement et confirme son interprétation contra legem de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, dite « loi ALUR ».
Rappelons d’abord qu’aux termes de l’article L.442-9 alinéa 1er du Code de l’urbanisme, toutes les règles d’urbanisme régissant les lotissements, quel que soit le document dans lequel elles sont contenues, deviennent caduques passé un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un PLU ou un document d’urbanisme en tenant lieu. En modifiant cet article, le Législateur a donc entendu mettre fin à la contractualisation des règles d’urbanisme qui avait pour effet de limiter les possibilités de construire au sein de ces lotissements.
Logiquement, passé ce délai de 10 ans, les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement ne devraient donc plus pouvoir être invoquées à l’occasion d’un contentieux, que ce soit devant les juridictions administratives ou judiciaires. Pourtant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisément jugé l’inverse en considérant que « le cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues ».
En l’espèce, la société Beval a été condamnée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence à démolir l’extension d’un bâtiment édifié sur un lot dont elle était propriétaire au motif qu’elle ne respectait pas les dispositions du cahier des charges du lotissement limitant la superficie des constructions pouvant être édifiées sur chaque lot. Dans son pourvoi, la société soutenait que ces dispositions constituaient des règles d’urbanisme et qu’elles étaient donc devenues caduques en application de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme.
La Cour de cassation rejette toutefois le moyen et juge qu’en raison de la nature contractuelle du cahier des charges du lotissement, ses clauses « continuaient à s’appliquer entre colotis », quand bien même l’alinéa 1er de l’article L.442-9 prévoit qu’elles sont devenues caduques. Ce faisant, le Conseil d’État semble se fonder sur l’alinéa 3 du même article qui précise – de façon ambigüe – que « les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement ».
En résumé, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure selon laquelle les règles d’urbanisme contractualisées dans le cahier des charges du lotissement demeurent applicables tant que celui-ci est en vigueur ; peu importe, à cet égard, que l’article L.442-9 du Code de l’urbanisme pose un principe exactement inverse. L’on peut toutefois émettre des réserves quant à la pertinence de cette solution dès lors que l’alinéa 3, sur lequel la Cour semble se fonder, ne s’oppose qu’à la caducité des règles « régissant les rapports entre colotis » ; les règles d’urbanisme relatives à la constructibilité du sol ne paraissant pas relever de cette catégorie.
Références :
Cass. 3e Civ., 21 janvier 2016, Sté Beval c/ M. X…, pourvoi n°15-10.566 (Publié au Bulletin)