Par un arrêt du 15 avril 2016, le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles un tiers est réputé avoir connaissance acquise de l’existence d’un permis de construire et l’articulation de ce principe avec l’obligation d’afficher le permis sur le terrain d’assiette.
Dans cette affaire, le Maire de la commune de Freissinières a, par arrêté en date du 24 avril 2008, délivré un permis de construire à M. A…, lequel a procédé à l’affichage de cette autorisation sur le terrain d’assiette du projet, conformément à l’obligation résultant de l’article R. 424-15 du Code de l’urbanisme, lequel dispose que « mention du permis [de construire] doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier ».
Cependant, le panneau d’affichage ne respectait pas les prescriptions de l’article A. 424-17 du même code, puisqu’il n’indiquait pas les voies et délais de recours contre le permis de construire délivré au pétitionnaire. Or, l’on sait que « le délai de recours contentieux à l’encontre […] d’un permis de construire […] court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain » (article R.600-2). Ainsi, l’absence de panneau d’affichage ou son caractère incomplet ne fait pas courir le délai contentieux, les tiers pouvant donc former un recours sans que ce délai ne leur soit opposable (CE, 1er juillet 2010, Centre hospitalier de Menton – La Palmosa, req. n°330702).
Dans ces conditions, M. M… a formé, le 2 juillet 2008, un recours gracieux à l’encontre du permis de construire litigieux, puis a saisi le Tribunal administratif de MARSEILLE d’une requête en annulation le 28 janvier 2011. À l’issue de plusieurs appels et pourvois successivement formés par M. M…, le Conseil d’État a finalement réglé le litige au fond et rejeté la requête pour tardiveté, celle-ci ayant été introduite plus de deux mois après le rejet de son recours gracieux.
Confirmant la solution retenue par la CAA de Marseille, le Conseil d’État a estimé que le requérant avait connaissance de l’existence du permis de construire dès le 2 juillet 2008, date à laquelle il a formé un recours gracieux auprès du Maire de Freissinières. Le Conseil d’État en profite pour préciser que « l’exercice par un tiers d’un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu’il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n’aurait pas satisfait aux exigences prévues par l’article A.424-17 du Code de l’urbanisme ».
En résumé, le Conseil d’État met fin aux solutions divergentes des juges du fond en affirmant l’existence d’une exception au principe selon lequel l’affichage non conforme (ou l’absence d’affichage) du permis de construire sur le terrain d’assiette ne fait pas courir le délai de recours contentieux à l’égard des tiers. Désormais, le tiers qui forme un recours gracieux (ou contentieux) à l’encontre d’un permis de construire est réputé avoir connaissance de l’existence de cette autorisation dès la date d’introduction du recours ; peu importe, à cet égard, que le panneau d’affichage ne mentionne pas les voies et délais de recours contre le permis.
Référence
CE, 15 avril 2016, M. Marcon, req. n°375132, sera publié au Recueil