Par un arrêt du 13 octobre 2023, le Conseil d’Etat, rappelant les conditions nécessaires à la qualification du domaine public, juge insuffisante la circonstance qu’une personne publique propriétaire ait tenté, par une délibération, de classer un bien dans le domaine public, seule la démonstration des critères énoncés par la loi pouvant emporter une telle qualification.
Par acte authentique des 26 et 31 juillet 2000, une société et une commune ont conclu un contrat de crédit-bail immobilier, d’une durée de quinze ans, portant sur un terrain bâti, situé sur le territoire de la commune contractante, sur lequel cette dernière avait édifié un atelier-relais.
Par une délibération du 30 septembre 2021, le conseil municipal de Rives-de-l’Yon a prononcé le classement de l’ensemble immobilier dans son domaine public et a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à obtenir l’expulsion des occupants, alors dépourvus de titre autorisant l’occupation du domaine public – demande à laquelle le juge des référés a fait droit.
Saisi du litige, le Conseil d’Etat rappelle d’abord que, dans le cas où le bien en cause n’est pas directement affecté à l’usage du public, une double condition est nécessaire à la qualification domaniale, à savoir le fait, d’une part, qu’il soit affecté au service public et, d’autre part, qu’il fasse l’objet d’un aménagement, « spécial » avant le 1er juillet 2006 et « indispensable » à compter du 1er juillet 2006, pour l’exécution de ce service public.
Ces considérations faites, le Conseil d’Etat souligne que la construction d’ateliers-relais par une commune a effectivement pour objet de favoriser son développement économique et relève d’une mission de service public. Toutefois, cette circonstance ne suffit pas à regarder ces ateliers, qui ont vocation à être loués ou cédés à leurs occupants, comme étant affectés, une fois construits, à un service public et à les incorporer, de ce seul fait, dans le domaine public communal.
Est notamment relevé en l’espèce que le bien en cause est un atelier-relais édifié par la commune pour les besoins de la société, qu’il n’était affecté ni à l’usage direct du public ni à un service public pour les besoins duquel il aurait fait l’objet d’un aménagement spécial ou indispensable et, enfin, que le contrat comportait une clause emportant promesse unilatérale de cession au profit du preneur et que la commune exprimait l’intention de céder le bien après sa libération.
Ainsi, si la commune se prévalait d’une délibération du conseil municipal, antérieure de quelques mois à la saisine du juge, prononçant le classement dans le domaine public de l’ensemble immobilier, celle-ci, qui ne faisait pas état d’une intention d’affecter ledit bien à un service public, ne pouvait, en elle-même, avoir pour effet de conférer le caractère d’une dépendance du domaine public à ce bien, dans la mesure où il ne satisfaisait pas aux critères énoncés.
Le Conseil d’Etat conclut donc logiquement par le constat de l’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur la demande d’expulsion de la société du domaine, donc privé, de la commune.
CE 13 octobre 2023, Société Guillet-Joguet, req. n° 466114