Par un arrêt du 1er octobre 2024, le Conseil d’Etat confirme que l’application d’une règle jurisprudentielle nouvelle, même postérieure à la date de clôture de l’instruction, ne nécessite pas nécessairement la réouverture du débat si les parties ont déjà eu l’opportunité de s’exprimer sur les faits pertinents.
Dans le cadre d’un litige portant sur la légalité d’un permis de construire, la cour administrative d’appel avait fait application de la règle énoncée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 26 juillet 2022 selon laquelle l’autorité compétente peut délivrer un permis modificatif au titulaire d’un permis de construire en cours de validité, tant que la construction n’est pas achevée, à condition que les modifications n’altèrent pas fondamentalement la nature du projet initial (CE, sect., 26 juillet 2022, req. n° 437765, Lebon avec les concl).
Cette règle avait été énoncée après la clôture de l’instruction de l’affaire devant la cour. Le Conseil d’Etat estime que, bien que la jurisprudence soit postérieure à la clôture, les parties avaient déjà débattu de la nature et de l’ampleur des modifications que le permis litigieux apportait au projet initial, ce qui permettait de déterminer si elles étaient susceptibles d’apporter au projet un bouleversement tel qu’il en changeait la nature même. Le Conseil d’Etat considère donc que « les parties ayant pu débattre sur le terrain juridique sur lequel se situait le litige, la cour administrative d’appel pouvait, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, ne pas rouvrir l’instruction en invitant les parties à s’exprimer sur les conséquences à tirer de la décision du Conseil d’Etat ». Le rapporteur relève également que la décision de 2022, bien qu’elle constitue un « relatif assouplissement des conditions permettant de caractériser un permis modificatif », ne se présente pas comme un « un revirement jurisprudentiel de nature à bouleverser les débats devant les juges du fond » (Concl. T. Janicot sur l’arrêt commenté).
Il s’agit là de la première application de la jurisprudence dégagée en 2013 selon laquelle l’application par le juge administratif d’une jurisprudence postérieure à la clôture de l’instruction impose en principe de mettre les parties à même d’en discuter lorsqu’elle aboutit à régler le litige sur un autre « terrain juridique » que celui débattu par les parties (CE Sect. 19 avril 2013, Chambre de commerce et d’industrie d’Angoulême, req. n° 340093). La notion de changement de « terrain juridique » vise alors l’hypothèse où les données du litige se trouvent « radicalement bouleversées pour les parties au procès » (Concl. B. Bonhert sur la décision CCI d’Angoulême précitée).