Par une décision du 22 octobre 2018, le Conseil d’État a précisé que l’absence de transmission de l’ensemble des pièces du dossier d’une demande d’autorisation d’urbanisme empêche le délai de déféré préfectoral de courir à l’encontre de la décision d’autorisation.
L’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales permet en effet au préfet de déférer au Tribunal administratif compétent tous les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 – comprenant notamment les permis de construire, autorisations d’utilisation du sol et certificats d’urbanisme – qu’il estime illégaux. Le préfet dispose alors d’un délai de deux mois suivant la transmission de cet acte pour saisir le tribunal compétent. Et l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme précise justement la notion de transmission de l’acte en urbanisme, prévoyant que l’autorité compétente pour délivrer le permis « transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ».
Dans sa décision du 22 octobre 2018, le Conseil d’État a déduit de ces deux dispositions que l’absence de transmission de l’intégralité de la demande ne permet pas de faire débuter le délai de recours visé à l’article L. 2131-6 du CGCT, sans qu’il soit besoin de rechercher si les pièces manquantes ont un quelconque intérêt à l’exercice du contrôle de légalité « dès lors que ces circonstances sont sans incidence sur l’obligation pesant sur la commune de transmettre au préfet l’entier dossier de demande ».
En l’espèce, M. B. avait déposé une demande de permis de construire une maison d’habitation sur le territoire de la commune de Serra-di-Ferro. Cette demande, qui a été transmise au Préfet conformément à l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme, a été complétée ensuite par le demandeur, à la demande de la commune, sans que ce complément ne soit transmis au Préfet. Le Maire de la Commune de Serra-di-Ferro a finalement pris un arrêté refusant le permis de construire, au-delà du délai de deux mois indiqué au demandeur comme lui octroyant un permis de construire tacite. Le Préfet a donc décidé de déférer le permis tacite devant le Tribunal administratif, plus de deux mois après l’octroi de cette autorisation. Le Tribunal administratif de Bastia, puis la Cour administrative d’appel de Marseille annulant le permis de construire litigieux, M. B s’est pourvu en cassation, soutenant que le Préfet était forclos à déférer son autorisation devant le Tribunal administratif.
Jugeant le déféré du préfet recevable, le Conseil d’État a estimé que « en jugeant que la commune n’avait pas transmis au préfet l’entier dossier de demande faute de lui avoir adressé les pièces complémentaires reçues du demandeur en réponse à l’invitation qui lui avait été faite de compléter ce dossier et en en déduisant que cette transmission incomplète avait fait obstacle au déclenchement du délai du déféré à la date de naissance du permis tacite, de sorte que le déféré n’était pas tardif, la cour, qui a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n’a pas commis d’erreur de droit ». Il a en outre précisé que « si les pièces manquantes étaient nécessaires à l’exercice du contrôle de légalité ni si le préfet pouvait les demander de sa propre initiative, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt eu égard à l’argumentation dont elle était saisie, n’a pas commis d’erreur de droit dès lors que ces circonstances sont sans incidence sur l’obligation pesant sur la commune de transmettre au préfet l’entier dossier de demande ».
CE 22 octobre 2018, M. B c/ Préfet de Corse du Sud, req. n° 400779