Par deux décisions complémentaires en date du 21 février 2016, à publier au Lebon, le Conseil d’État a apporté d’intéressantes précisions sur la définition de la notion de charge nouvelle ainsi que sur les critères conditionnant la légalité des règles modifiant les conditions d’exercice d’une compétence transférée à une collectivité territoriale.
Dans la première de ces deux espèces, les départements du Calvados, de la Manche, de l’Eure et de l’Orne ont saisi le Conseil d’État d’une demande tendant à l’annulation d’un décret en date du 29 septembre 2016 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active (ci-après « RSA »), adopté sur le fondement des dispositions de l’article L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles et fixant désormais ce forfait – qui s’élevait auparavant à 524, 68 euros, à 535, 17 euros. Dans la seconde, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur demandait au Conseil d’État de prononcer l’annulation du refus d’abrogation d’un décret en date du 29 janvier 2016 relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social – venant remplacer les diplômes d’État auxiliaire de vie sociale et d’aide médico-psychologique – et l’arrêté du même jour relatif à la formation conduisant à la délivrance de ce diplôme.
Si d’apparence ces deux espèces portent sur deux décisions radicalement différentes, elles ont pourtant ceci de commun que dans chacun d’entre elles, il était demandé leur annulation sur le fondement des dispositions de l’article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales.
Plus précisément, dans le cadre de la première affaire sus évoquée, les Départements du Calvados, de la Manche, de l’Eure et de l’Orne se prévalaient de cet article en soutenant que dès lors que cette augmentation du forfait du RSA correspondait à une charge nouvelle, elle devait donc nécessairement donner lieu à compensation. Le Conseil d’État ne l’a cependant pas entendu de cette manière. En effet, les juges ont adopté une lecture très restrictive des dispositions de cet article, en jugeant que « les règles créant une charge nouvelle pour les collectivités territoriales et impliquant une compensation par l’État en vertu du second aliéna de l’article L. 1614-2 du Code général des collectivités territoriales sont celles qui, tout à la fois présentent un caractère obligatoire et sont propres aux compétences transférées ».
Autrement dit, pour pouvoir être considérée comme une charge nouvelle et ainsi donner le droit à la collectivité en cause de se prévaloir d’un droit à compensation en vertu des dispositions précitées, celle-ci devra nécessairement résulter de règles :
- présentant un caractère obligatoire, d’une part ;
- propres aux compétences transférées, d’autre part.
C’est cette seconde condition qui a permis aux juges d’estimer que la décision attaquée dans le cadre de la première de ces deux espèces ne pouvait être considérée comme imposant une charge nouvelle dans la mesure où les dispositions litigieuses ne se rapportaient pas spécifiquement à la compétence en tant que telle transférée aux départements en application de l’article L. 115-2 du code de l’action sociale et des familles. Les juges ont en effet considéré que celles-ci avaient vocation à modifier une règle de portée générale résultant de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles et que l’incidence financière sur l’exercice par les départements requérants de cette compétence n’était, e, conséquence, que secondaire.
Dans un second temps, le Conseil d’État juge que la légalité de la modification des règles d’exercice d’une compétence transférée à une collectivité territoriale n’est pas subordonnée à la compensation des charges nouvelles qui en résulte. Le Conseil d’État rejette ces deux demandes, en invitant chacun de ces requérants de contester l’absence de compensation, « notamment en demandant, le cas échéant, l’annulation du refus des ministres compétents de prendre l’arrêté constatant les dépenses résultant d’un accroissement des charges prévu par l’article L. 1614-3 du Code général des collectivités territoriales ».
CE, 21 février 2018, Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, req. n° 404879
CE, 21 février 2018, Département du Calvados et autres, req. n° 409286