Par un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État précise les conditions d’application dans le temps de la règle de prescription triennale de l’action disciplinaire instaurée par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Le législateur a en effet récemment inséré dans la loi Le Pors et dans les statuts autonomes (dont l’article L. 4137-1 du code de la défense applicable à l’espèce), une disposition selon laquelle « aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour ou l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction (…) Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre du [militaire/fonctionnaire], les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure disciplinaire ».
En l’espèce, un militaire avait été sanctionné le 1er juillet 2016 pour des faits commis en 2008-2009 aux écoles militaires de Saint Cyr Coëtquidan. Celui-ci soutenait, entre autres moyens, que la sanction qui lui avait été infligée était illégale au motif qu’à la date à laquelle la décision contestée avait été prise, l’action disciplinaire était tardive et s’opposait donc à la sanction de faits anciens, en l’occurrence vieux de sept années.
Après avoir rappelé, comme il l’avait énoncé dans son arrêt d’Assemblée Dame Deleuze (CE, Ass. 27 mai 1955, Dame Deleuze, Rec. p. 296), qu’« aucun principe général du droit n’enferme dans un délai déterminé l’exercice de l’action disciplinaire » et après avoir cité les dispositions de la loi du 20 avril 2016, le Conseil d’Etat applique à l’espèce le principe de sécurité juridique, dont il avait déduit deux ans auparavant, dans le cas d’une affaire d’urbanisme (CE, 21 janvier 2015, n°382902, publié au recueil, note G. Eveillard, AJDA 2015, p. 880), la règle selon laquelle « lorsqu’une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription [d’une action ou d’un droit] dont l’exercice n’était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours, mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ».
Ainsi, le principe de sécurité juridique s’oppose à l’application rétroactive de la prescription de l’action disciplinaire, si bien que des faits anciens qui font l’objet d’une procédure disciplinaire à la date d’entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, peuvent être sanctionnés, à condition toutefois de respecter le délai de trois ans qui court à compter du 21 avril 2016. Rien ne s’opposait donc à ce qu’à la date du 1er juillet 2016, le militaire soit sanctionné pour des faits vieux de plus de sept ans.
CE 20 décembre 2017, req. n°403046, mentionné aux tables du recueil Lebon