Par une décision du 11 octobre 2017, le Conseil d’État fournit d’intéressantes précisions sur les conditions de recevabilité d’une tierce opposition, celle-ci pouvant notamment être admise contre une décision de rejet fondée sur l’irrecevabilité d’un appel.
Les faits ayant conduit à cette décision sont relativement complexes. Une élue municipale (Mme E.) avait adressé à Madame la Maire de la commune de Granville une lettre l’informant de son renoncement à siéger au conseil municipal. Or, à la suite de la démission de plusieurs conseillers municipaux, la Maire avait justement inscrit Mme E. sur la liste des conseillers appelés à siéger au conseil municipal en remplacement d’un démissionnaire. Mme E. a donc formé donc un recours contre cette décision.
Assimilant la lettre de renoncement de Mme E. à une démission au sens de l’article L. 2121-4 du Code général des collectivités territoriales, le Tribunal administratif de Caen a jugé que cette lettre emportait démission définitive dès réception par la Maire, celle-ci devant la transmettre au Préfet. Faute pour la Maire de s’être conformée à cette obligation, le Tribunal a annulé sa décision, en lui enjoignant dans le même temps de transmettre la démission de Mme E. au Préfet.
Saisi par la Commune, le Conseil d’État, par une décision du 19 juillet 2017, a rejeté l’appel, motif pris de son irrecevabilité, de sorte que la décision initiale de la Maire de Granville demeurait bel et bien annulée. Or, les conseillers municipaux démissionnaires n’ayant pas été remplacés, la vacance de leurs sièges a conduit les autres élus à constater que le conseil municipal avait perdu le tiers de ses membres et devait, en vertu de l’article L.270 du Code électoral, être entièrement renouvelé. N’étant pas partie aux précédentes instances, certains conseillers municipaux ont décidé de former une tierce opposition contre la décision du Conseil d’État rejetant l’appel interjeté par la Commune.
Le Conseil d’État fait droit à leur demande en admettant par conséquent la recevabilité de la tierce opposition. Rappelant les principes régissant la matière, déjà rappelé dans un précédent arrêt (CE 2 juillet 2014, M. B…, req. n°366150, mentionné dans les tables du recueil Lebon), le Conseil d’État constate que les élus requérants « n’ont pas été présents ou régulièrement appelés » au cours de l’instance d’appel, l’action introduite par la Commune ayant été rejetée pour irrecevabilité. Or, l’arrêt de rejet rendu par le Conseil d’État « préjudicie à leurs droits en étant susceptible de conduire au renouvellement intégral du conseil municipal », de sorte que la tierce opposition formée par les élus requérants se trouve donc recevable.
Statuant au fond, le Conseil d’État estime alors que la lettre par laquelle Mme E. renonçait à siéger au conseil municipal ne saurait être assimilée à une démission au sens du CGCT, compte tenu des circonstances dans lesquelles le consentement de son auteur a été recueilli ; la lettre ayant été rédigée avant même que ne démissionne le conseiller municipal dont Mme E. devait assurer le remplacement. Le Tribunal ne pouvant se fonder sur cette lettre pour annuler la décision de la Maire, son jugement a été censuré, de sorte que les conclusions d’appel formées par la Commune sont devenues sans objet et l’arrêt de rejet du Conseil d’État, par extension, non avenu.
CE 11 octobre 2017, M. A…, req. n° 414148, mentionné aux Tables