Par un arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que la législation interdisant au soumissionnaire de remplacer une entreprise auxiliaire ayant perdu des qualifications requises postérieurement au dépôt de son offre n’est pas incompatible avec les anciennes dispositions des articles 47 §2 et 48§3 de la directive 2004/18 alors applicables.
Les faits litigieux concernaient un appel d’offres organisé par une composante du ministère des infrastructures et des transports italien, à l’occasion duquel une société a participé dans le cadre d’un groupement temporaire d’entreprises en cours de constitution en tant que chef de file et en déclarant recourir, en ce qui concerne les qualifications exigées, à celles de deux entreprises auxiliaires. Au cours de la procédure et après la fin de la phase d’admission à l’appel d’offres, une des entreprises auxiliaires a perdu la qualification pour la catégorie de prestations requise, devenant ainsi qualifiée seulement pour une catégorie de prestations inférieure.
Dans le cadre du contentieux né de l’attribution du marché à un groupement concurrent, la question posée était de savoir si l’article 47 §2 et l’article 48 §3 de la directive 2004/18, lus à la lumière de l’article 63 de la directive 2014/24, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui exclut la possibilité pour l’opérateur économique participant à un appel d’offres de remplacer une entreprise auxiliaire ayant perdu des qualifications requises postérieurement au dépôt de son offre et qui a pour conséquence l’exclusion automatique de cet opérateur.
Cette affaire est tout d’abord l’occasion pour la Cour de venir préciser les règles d’interprétation de la directive 2004/18 à la lumière de la directive 2014/24. Tout en rappelant, d’une part, que la directive applicable est, en principe, celle en vigueur au moment où le pouvoir adjudicateur choisit le type de procédure et que, d’autre part, comme l’énonce son considérant n°2, la directive 2014/24 vise à éclaircir certains concepts et notions fondamentaux afin de garantir la sécurité juridique ainsi qu’à prendre en compte certains aspects de la jurisprudence bien établie de la Cour en la matière, la Cour estime en l’espèce que les dispositions de l’article 63 §1 de la Directive 2014/24, qui constituent les dispositions correspondantes notamment de l’article 48 §3 de la directive 2004/18, apportent des modifications substantielles s’agissant du droit pour un opérateur économique d’avoir recours aux capacités d’autres entités dans le cadre d’un marché public. Il n’y a donc pas lieu d’interpréter lesdites dispositions de 2004 à la lumière de celles de 2014 dès lors qu’il n’est pas question ici de dissiper un doute interprétatif portant sur le contenu desdites dispositions.
Ensuite, la Cour considère que les dispositions de l’article 47 §2 et de l’article 48 §3 de la directive 2004/18 ne s’opposent pas à ce qu’une législation nationale puisse exclure la possibilité pour l’opérateur économique participant à un appel d’offres de remplacer une entreprise auxiliaire ayant perdu des qualifications requises postérieurement au dépôt de son offre et qui a pour conséquence l’exclusion automatique de cet opérateur. En effet, la Cour a déjà jugé, dans le domaine des contrats de concession, que la possibilité qui serait accordée, d’une manière imprévisible, exclusivement à un groupement d’entreprises de remplacer une entreprise tierce faisant partie du groupement, et ayant perdu une qualification requise sous peine d’exclusion, constituerait une modification substantielle de l’offre et de l’identité même du groupement. Ainsi, une telle modification de l’offre obligerait le pouvoir adjudicateur à procéder à de nouveaux contrôles tout en accordant un avantage compétitif à ce groupement qui pourrait chercher à optimiser son offre afin de mieux faire face aux offres de ses concurrents dans la procédure de passation du marché en cause.