En l’espèce, suite à une opération de fusion-absorption, la société absorbante avait fait l’objet d’une information judiciaire pour des faits en partie commis par la société absorbée. La société absorbante avait déposé une requête tendant à ce que soit rendue une ordonnance de non-lieu en sa faveur, au motif que l’action publique serait éteinte en raison de la fusion-absorption de la société absorbée.
La société absorbante soutenait d’abord que la date de disparition de la société absorbée était celle de sa radiation au registre du commerce et des sociétés et non celle de la date de l’assemblée générale ayant approuvé l’opération de fusion-absorption. Ensuite, elle soulevait l’absence de transfert de responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante en raison du caractère personnel de la responsabilité pénale.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 octobre 2016 est l’occasion de fixer, pour la première fois, la date de décès d’une personne morale et donc celle de l’extinction de l’action publique à son égard (art. 6 C. proc. pén.) Ainsi, la chambre criminelle retient que la date de décès de la personne morale est celle de sa radiation du registre du commerce et des sociétés, c’est-à-dire la date la plus tardive. Cette solution parait opportune dans la mesure où c’est également l’inscription au registre du commerce et des sociétés qui constitue l’acte de naissance d’une société en lui attribuant la personnalité morale. Cependant, cette solution n’était pas évidente dans la mesure où d’autres textes faisaient référence uniquement à la dissolution de la société et non à sa radiation tel l’article 133-1 du code pénal selon lequel « le décès du condamné ou la dissolution de la personne morale […] empêchent ou arrêtent l’exécution de la peine ».
La seconde précision apportée par la Cour de cassation concerne le transfert de responsabilité pénale. En l’occurrence, la cour d’appel avait suivi le raisonnement retenu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 5 mars 2015, n° C-343/13) qui, faisant application du principe de transmission universelle du patrimoine (art. L. 236-3 C. com. ; 1844-5 C. civ.), considère que la dette pénale de la société absorbée se transmet à la société absorbante.
La Cour de cassation censure ce raisonnement considérant d’une part, que la directive européenne concernant les fusions des sociétés anonymes telle qu’interprétée par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans sa décision du 5 mars 2015 précitée était dépourvue d’effet direct à l’encontre des particuliers, et d’autre part, que l’article 121-1 du code pénal ne peut s’interpréter que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l’encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière perde son existence juridique.
Cette solution respecte rigoureusement le caractère personnel de la responsabilité pénale mais empêche une lutte efficace contre d’éventuelles fusions frauduleuses. Dans cette affaire, les juges du fond avaient notamment souligné une identité des associés des deux sociétés, absorbée et absorbante, montrant que les personnes physiques qui les composent ne pouvaient ignorer, en tant qu’associés de la société absorbante, les agissements des personnes travaillant au sein de la société absorbée.
Références
Crim., 25 octobre 2016, pourvoi n° 16-80.366, publié au bulletin