Par un arrêt du 9 janvier 2025, la Cour de Justice l’Union européenne adopte une interprétation restrictive de la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de recourir à un marché sans publicité préalable pour des « raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection du droit d’exclusivité ».
Aux termes de l’article 31 de la directive 2004/18 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, aujourd’hui repris en substance dans l’article 32 de la directive 2014/24, l’acheteur peut recourir à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché lorsque « pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé ».
Saisie d’une question préjudicielle concernant l’application de cette disposition, la Cour de Justice interprète strictement cette disposition, affirmant qu’il faut, dans une telle situation, pour apprécier la régularité du recours à une telle dérogation à la mise en concurrence, analyser le comportement du pouvoir adjudicateur, y compris lors de la conclusion du contrat antérieur portant sur la première prestation, afin de s’assurer qu’il n’est pas à l’origine de la situation d’exclusivité : « un pouvoir adjudicateur est tenu de faire tout ce qui est susceptible d’être raisonnablement attendu de lui pour éviter l’application de l’article 31, point 1, sous b), de la directive 2004/18, et ce afin de recourir à une procédure plus ouverte à la concurrence. Or, il serait incompatible avec cette exigence de permettre à un tel pouvoir adjudicateur d’appliquer cette disposition alors que la création ou le maintien de la situation d’exclusivité qu’il invoque à cet effet lui est imputable, du fait, notamment, que, afin d’atteindre le résultat visé par le marché concerné, ce pouvoir adjudicateur n’avait pas besoin de générer une telle situation d’exclusivité ou qu’il disposait de moyens réels et raisonnables du point de vue économique pour mettre fin à une telle situation.
(…) il incombe de déterminer si le comportement de ce pouvoir adjudicateur, notamment lors de la conclusion d’un contrat antérieur ayant donné lieu au marché public concerné, est à l’origine de l’apparition d’une situation d’exclusivité et (…) également examiner si la perpétuation d’une telle situation d’exclusivité jusqu’à la décision dudit pouvoir adjudicateur de suivre la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché est due à l’action ou à l’inaction de ce même pouvoir adjudicateur ».
CJUE, 9 janvier 2025, Česká republika – Generální finanční ředitelství
contre Úřad pro ochranu hospodářské soutěže, aff. C-578/23