Selon la Cour de cassation, il appartient au juge de rechercher si l’employeur démontre que les agissements discriminatoires invoqués par un salarié étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, quand bien même le salarié n’aurait pas subi de mesures discriminatoires.
Pour rappel, en matière de discrimination, le salarié doit présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination, tandis que l’employeur doit prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (article L. 1134-1 du Code du travail).
Dans cette affaire, un salarié avait dénoncé par écrit à son employeur les propos racistes répétés de ses supérieurs hiérarchiques, l’attitude discriminatoire de l’un d’entre eux qui saluait tout le monde sauf lui et les reproches qui lui étaient adressés concernant une relation amoureuse avec une collègue. Puis, le salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail et saisi le conseil de prud’hommes afin de voir qualifier cette rupture de licenciement nul pour discrimination en raison de son origine.
Les juges du fond n’ont pas reconnu la nullité du licenciement au motif que le salarié ne faisait mention d’aucune mesure discriminatoire. Selon la cour d’appel, il ne justifiait pas avoir été sanctionné ni avoir subi de mesures défavorables en termes de rémunération, de promotion, ou d’un licenciement.
La Haute Cour a cassé cet arrêt au visa de l’article 1, alinéa 3 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, selon lequel la discrimination inclut les faits de harcèlement moral discriminatoire, c’est-à-dire tout agissement lié à un motif discriminatoire subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Elle en a déduit qu’il n’était pas nécessaire que le salarié ait fait l’objet de mesures discriminatoires au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail pour caractériser la discrimination : lorsque le salarié invoque de simples faits laissant présumer une discrimination, les juges du fond doivent vérifier si l’employeur apporte des preuves justifiant ces agissements par des motifs étrangers à toute discrimination.
Cette affaire s’inscrit dans la continuité de plusieurs décisions récentes précisant le régime probatoire en matière de discrimination (Cass. soc., 20 sept. 2023, n° 22-16.130 ; Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-16.287).
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 novembre 2024, 23-17.917, Publié au bulletin