Selon le Conseil d’Etat, la présentation d’une facture par un opérateur à l’administration ne saurait être regardée comme une demande préalable au sens de l’article R. 421-1 du code de justice administrative.
Dans le cadre d’une convention de financement portant sur un projet de desserte ferroviaire et d’une zone industrialo-portuaire conclue entre deux opérateurs, l’Etat, une région et un département, l’un des opérateurs a établi un décompte récapitulant les dépenses qu’il avait engagées au bénéfice du projet. Sur la base de ce décompte, il a émis des factures en vue de leur paiement par le département et la région, qui ont refusé de les régler. Après la notification d’une demande préalable au département et à la région, l’opérateur a saisi le tribunal administratif de Rouen d’une requête indemnitaire que ce dernier a rejetée. Les juges d’appel ont annulé le jugement et ont condamné le département et la région à verser à l’opérateur les sommes réclamées. Saisi d’un pourvoi du département, le Conseil d’Etat a dû répondre à une intéressante question procédurale.
Le département soutenait notamment que l’envoi de la facture par l’opérateur constituait une demande préalable au sens de l’article R. 421-1 du code de justice administrative. Cette position avait pour conséquence de faire courir le délai pour saisir utilement le juge administratif, soit un délai de deux mois à compter de la décision du département refusant de régler la facture ou, à défaut et comme en l’espèce, un délai raisonnable d’un an à compter de cette décision, les voies et délais de recours n’ayant pas été mentionnés dans la décision. Selon ce raisonnement, la requête de l’opérateur, présentée après l’expiration du délai d’un an à compter du refus de payer la facture, devait être regardée comme tardive.
Le Conseil d’Etat, approuvant le raisonnement suivi par la cour, a au contraire estimé que « [d]ans le cadre de l’exécution financière d’un contrat administratif, l’envoi à l’administration d’une facture par le cocontractant n’a pas le caractère d’une demande préalable au sens de l’article R. 421-1 précité ». Il appartenait donc bien à l’opérateur de lier le contentieux par l’envoi d’une demande préalable indemnitaire, comme il l’a fait, avant de saisir le juge.
Par cette décision, le Conseil d’Etat laisse aux parties à un contrat administratif, comme l’a relevé le rapporteur public, un temps d’échanges bienvenu sur le règlement financier qui n’a pas à s’inscrire, par principe, dans un cadre contentieux, au demeurant habituellement encadré par le contrat lui-même.
CE 21 octobre 2024, Département de la Seine-Maritime, req. n° 474443