Par une décision du 7 juin 2024 à mentionner aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions utiles sur le contentieux consécutif au DGD tacite.
En l’espèce, une commune a confié à une entreprise la construction d’ateliers artisanaux. À l’issue de la procédure de règlement des comptes, un décompte général et définitif (DGD) tacite est né. Après un courrier de l’entreprise demandant le versement du solde resté sans effet, celle-ci a saisi le juge des référés afin de voir condamner la commune au versement d’une provision correspondant au solde. Le juge des référés a fait droit à la demande de l’entreprise et le maître d’œuvre a été condamné à garantir la commune à hauteur de 30% de la somme mise à la charge de la commune. En appel, l’ordonnance a été annulée et la demande de l’entreprise rejetée. Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi, a cassé l’ordonnance d’appel pour admettre les droits indemnitaires de l’entreprise de travaux.
La décision commentée est doublement intéressante.
D’une part, elle permet de confirmer que la procédure de réclamation prévue à l’article 50 du CCAG Travaux n’est pas applicable dès lors que l’entreprise se prévaut d’un DGD tacite. Par conséquent, l’entreprise n’a pas à notifier au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre un mémoire en réclamation préalablement à la saisine du tribunal et elle peut, si elle s’y croit fondée, saisir le juge du référé provision pour obtenir le paiement du solde du décompte. Cette solution, qui justifie la mention aux tables, a le mérite de la célérité pour l’entreprise qui peut espérer obtenir un règlement plus rapidement que par une action au fond.
D’autre part, la décision du Conseil d’Etat précise les contours de l’appel en garantie du maître d’œuvre dans le cadre de la naissance d’un DGD tacite. Pour rappel, le CCAG-Travaux prévoit qu’en cas d’inertie du maître d’ouvrage à notifier le décompte général à l’entreprise, celle-ci peut notifier au maître d’ouvrage, avec le maître d’œuvre en copie, un projet de décompte général signé. Le maître d’ouvrage dispose alors d’un délai de 10 jours pour retourner le décompte général, à défaut de quoi un DGD tacite naît. Le maître d’œuvre est, pour la procédure de règlement des comptes, tenu de vérifier les sommes inscrites par l’entreprise et doit le cas échéant proposer de les corriger. Il peut donc, par sa propre inertie, contribuer à la naissance du DGD tacite. Dans ce cas, le Conseil d’Etat précise que « le préjudice dont [le maître d’ouvrage] peut demander réparation de ce fait ne peut être que l’éventuel surcoût induit par ce décompte par rapport à la somme qu’un décompte général et définitif établi contradictoirement aurait mise à sa charge ». Ainsi, il apparaît qu’au contentieux, si à l’égard de l’entreprise de travaux, les sommes dues au titre du décompte sont figées et définitivement acquises, une nouvelle discussion est susceptible d’intervenir sur leur bien-fondé entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre.
CE 7 juin 2024, Société Entreprise Construction Bâtiment, req. n° 490468