Dans un avis particulièrement attendu par les praticiens, la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur l’application dans le temps de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 qui a introduit un certain nombre de nouveautés en matière d’expulsion locative, avec notamment un raccourcissement à 6 semaines (au lieu de deux mois) du délai d’exécution imparti par le commandement de payer visant la clause résolutoire.
Aux termes de son avis rendu le 13 juin 2024 et publié au bulletin, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait se pencher sur la question suivante :
« L’article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 est-il d’application immédiate aux contrats de bail d’habitation en cours ou seulement aux contrats conclus, tacitement reconduits ou renouvelés postérieurement à son entrée en vigueur ?
Dans l’hypothèse d’une application immédiate de cet article aux contrats en cours (qu’il s’agisse du contrat initial ou du contrat reconduit ou renouvelé avant le 29 juillet 2023), la clause résolutoire contractuelle prévoyant expressément un délai de deux mois entre la délivrance du commandement de payer et l’acquisition des effets de ladite clause doit-elle prévaloir sur le nouveau délai légal s’agissant d’une stipulation plus favorable au locataire ?
A fortiori, une telle stipulation, en faveur du locataire, pourrait-elle être valablement réitérée dans le cadre de la reconduction tacite ou du renouvellement du contrat de bail, voire conclue dans le cadre d’un nouveau contrat ? »
La Cour de cassation répond par la négative à la première question, considérant que la loi du 27 juillet 2023 ne comprend pas de disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. Dès lors, son article 10, en ce qu’il fixe désormais à six semaines le délai minimal accordé au locataire pour apurer sa dette, au terme duquel la clause résolutoire est acquise, ne s’applique pas immédiatement aux contrats en cours, qui demeurent régis par les stipulations convenues par les parties, telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail, et ne peut avoir pour effet d’entraîner leur réfaction.
Autrement dit, les dispositions de l’article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, en ce qu’elles modifient le délai minimal imparti au locataire pour s’acquitter de sa dette après la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail prévu par l’article 24, alinéa 1er et 1°, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, n’ont pas pour effet de modifier les délais figurant dans les clauses contractuelles des baux en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi.
Reste à clarifier le sort des commandements de payer visant le délai de 6 semaines pour les baux soumis à l’ancien texte qui prévoyait un délai minimal de 2 mois.