Par deux arrêts du 23 mai 2024, la Cour de cassation juge qu’il résulte des articles L. 622-24 et R. 622-23 du Code de commerce que la créance portée par le débiteur, conformément à l’article L. 622-6 du Code de commerce, à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai de l’article R. 622-24 du même Code, si elle fait présumer la déclaration de sa créance par son titulaire, dans la limite du contenu de l’information donnée au mandataire judiciaire, ne vaut pas reconnaissance par le débiteur du bien-fondé de cette créance, de sorte qu’il peut ultérieurement la contester dans les conditions des articles L. 624-1 et R. 624-1 du Code précité.
Après avoir été placées en sauvegarde judiciaire, deux sociétés ont mentionné sur la liste prévue par l’article L. 622-6 du Code de commerce, l’un de leurs créanciers. Semblant faire volte-face, elles ont ensuite contesté, en intégralité, les déclarations de créance effectuées directement par ledit créancier, pour un montant supérieur.
Saisi de ces contestations, le juge-commissaire a néanmoins admis au passif les créances, pour l’une au montant mentionné par la débitrice sur la liste des créanciers, pour l’autre au montant déclaré par le créancier. Les débitrices ont interjeté appel de ces décisions.
Devant la cour d’appel, le créancier semble avoir omis de produire les pièces jointes à ses déclarations de créance avant la clôture de l’instruction. Faute de mieux, celui-ci a alors fait valoir que les débitrices avaient reconnu le bien-fondé de ses créances en les portant à la connaissance du mandataire et qu’elles ne pouvaient donc plus les contester.
Les juges ne vont pas être sensibles à cette argumentation. Par deux arrêts du 23 mai 2024, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté les créances déclarées.
Elle estime en effet qu’« il résulte des articles L. 622-24 et R. 622-23 du code de commerce que la créance portée par le débiteur, conformément à l’obligation que lui fait l’article L. 622-6 du code de commerce, à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai de l’article R. 622-24 du même code, si elle fait présumer la déclaration de sa créance par son titulaire, dans la limite du contenu de l’information donnée au mandataire judiciaire, ne vaut pas reconnaissance par le débiteur du bien-fondé de cette créance, de sorte qu’il peut ultérieurement la contester dans les conditions des articles L. 624-1 et R. 624-1 du code précité ».
Elle en déduit qu’« ayant retenu que la liste des créanciers et dettes remise par la société B lors du dépôt de sa demande de sauvegarde mentionnant notamment une créance à échoir de la société I, constituait seulement une présomption de déclaration en faveur du créancier, c’est à bon droit que l’arrêt en déduit qu’elle ne s’analyse pas en une reconnaissance de dette et ne saurait dispenser le créancier de la preuve de sa créance ».
Cette solution mérite d’être approuvée dans la mesure où le débiteur a l’obligation de mentionner toutes les créances, y compris celles qui seraient seulement éventuelles, sur la liste transmise au mandataire judiciaire, afin de faciliter une première évaluation du passif. N’ayant pas agi en son nom en transmettant la liste des créanciers, le débiteur doit être admis à contester cette créance dans le cadre de la vérification du passif.
Les créanciers d’une société tombée en procédure collective doivent donc être particulièrement vigilants : la circonstance que leur créance ait été portée à la connaissance du mandataire judiciaire par leur débiteur ne les dispense pas d’en faire la preuve.