Par une décision publiée au recueil Lebon du 13 mai dernier, le Conseil d’Etat fait évoluer sa jurisprudence en consacrant la règle de la date d’expédition, le cachet de la poste faisant foi, pour déterminer la recevabilité d’un recours adressé par voie postale.
Saisi par une sage-femme d’un pourvoi en cassation dirigé contre une décision rendue par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des sage-femmes, le Conseil d’Etat est amené à se prononcer sur un moyen tiré de l’irrecevabilité de la requête d’appel.
Pour juger la requête recevable, le Conseil d’Etat commence par rappeler les dispositions applicables pour apprécier la recevabilité d’un recours formé devant les chambres disciplinaires nationales des ordres des professions médicales. Le délai d’appel est de trente jours à compter de la notification de la décision (Code de la santé publique, art. R. 4126-44) et la requête doit être déposée ou adressée par voie postale au greffe de la chambre disciplinaire nationale (Code de la santé publique, art. R. 4126-45). Ce délai est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent en Polynésie française (Code de procédure civile, art. 643).
Puis, faisant une application de ces règles au cas d’espèce, le Conseil d’Etat note que la décision de la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des sage-femmes a été notifiée à la requérante le 5 février 2021. Si l’appel formé contre cette décision, adressé par voie postale, n’a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale que le 16 avril 2021, il a été expédié le 31 mars 2021 depuis la Polynésie française. Dans ce cadre, le Conseil d’Etat considère qu’« (…) il n’est pas contesté qu’il a été expédié le 31 mars 2021 depuis la Polynésie française, où réside Mme B…, soit avant l’expiration du délai d’appel imparti de trente jours, augmenté du délai de distance d’un mois ». L’appel formé n’est donc pas tardif.
Ainsi, la section du contentieux abandonne sa jurisprudence constante selon laquelle, pour apprécier si un recours contentieux formé par voie postale devant les juridictions administratives était ou non tardif, il convenait de prendre en compte le jour de la présentation du pli au greffe de la juridiction (CE 27 février 1885, élections Prétin, au Recueil p. 241 ; v. dans le même sens CE 30 juillet 2003, req. n° 240756, aux Tables). Toutefois, lorsque le requérant confiait l’acheminement de sa requête au service postal et que celle-ci parvenait à la juridiction tardivement, celle-ci était recevable si elle avait été postée « en temps utile » pour y parvenir à temps selon « les délais normaux d’acheminement du courrier » (CE 14 janvier 1910, Sieur Levallois, au Recueil p. 25).
Par ailleurs, il n’est pas inutile de préciser que le rapporteur public Jean-François de Montgolfier indique dans ses conclusions que cette nouvelle règle ne doit pas être étendue aux productions qui seraient, en cours d’instruction, adressées à la juridiction par la poste.