Par un arrêt du 29 décembre 2023, le Conseil d’Etat déclare contraire aux exigences constitutionnelles de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats des dispositions de la loi du pays du 7 décembre 2009 relatives au cadre réglementaire des délégations de service public.
Un opérateur de télécom opérant en Polynésie française a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d’un recours contre la décision de refus du Président de l’assemblée de la Polynésie d’abroger la loi du pays du 7 décembre 2009 relative au cadre réglementaire des délégations de service public. Cette dernière établissait à son article LP 28 un régime spécifique pour la passation de délégations de service public avec des filiales des établissements publics, dans le cadre duquel aucune obligation de publicité et de mise en concurrence n’était imposée.
Acte I : sur renvoi du Tribunal, le Conseil d’Etat, dans sa décision du 7 avril 2023 (req. n° 468496), s’était toutefois estimé incompétent pour statuer sur un tel recours et avait attribué la requête au TA de la Polynésie française, au motif que le refus d’abroger une loi du pays – assimilée à un acte administratif – pouvait faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif, en première instance donc. Un évènement inédit, dès lors que la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française fermait la voie à toute action par voie d’exception contre les lois du pays.
Toutefois, dans le cadre de cet acte II, conformément aux dispositions de l’article 179 de la loi de 2004, le TA s’est vu contraint de transmettre au Conseil d’Etat une question sérieuse relative à la constitutionnalité des dispositions de l’article LP 28 de la loi du pays du 7 décembre 2009.
C’est dans ce contexte que par une décision du 29 décembre 2023, le Conseil d’Etat a déclaré contraires aux exigences constitutionnelles de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats, qui sont par ailleurs rappelées à l’article 28-1 de la loi organique de 2004, les dispositions de l’article LP. 28 de la loi du pays du 7 décembre 2009. En effet, les justifications de la Polynésie française relatives à la configuration particulière du territoire insulaire ont été jugées insuffisantes eu égard au manquement opéré.
Pour la première fois donc, une loi du pays a été déclarée inconstitutionnelle dans le cadre d’un recours contre la décision de refus d’abrogation de cette loi.
L’affaire est ainsi renvoyée au tribunal administratif de Polynésie française qui devra statuer sur le litige principal, à savoir le recours pour excès de pouvoir contre le refus du Président de soumettre à l’assemblée un projet d’acte procédant à l’abrogation des alinéas 2 à 5 de l’article LP. 28 de la loi du pays du 7 décembre 2009. Acte III à suivre, donc.