Le Conseil d’Etat vient rappeler qu’il appartient au juge, afin de déterminer si un projet de méthaniseur peut bénéficier d’une exception aux règles de recul prévues par un PLU, de rechercher si le projet peut être regardé comme une activité agricole au regard de la définition donnée par le lexique du règlement du PLU, telle qu’éclairée par les articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural, dont les principaux termes ont été repris par le PLU.
Dans cette affaire, le permis de construire une unité de méthanisation a été délivré par le préfet en bénéficiant de la dispense, édictée par le règlement du PLU, de respecter des règles de recul pour les bâtiments d’exploitation agricole. En pratique, la définition du règlement du PLU reprenait les termes de la première phrase de l’article L. 311-1 du code rural relatif à l’activité agricole, mais sans référence à la disposition relative au caractère réputé agricole d’une unité de méthanisation.
Aussi, le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes a jugé que le moyen selon lequel le bâtiment en projet ne constituait pas un bâtiment d’exploitation agricole au sens des définitions du règlement du PLU était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire, ajoutant que « la circonstance que la méthanisation puisse être assimilée à une activité agricole au sens des dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime était sans incidence sur la légalité du permis de construire litigieux, délivré en application de la législation sur l’urbanisme ».
Ecartant le principe d’indépendance des législations, qui sous-tendait donc le raisonnement du Juge de première instance, le Conseil d’Etat énonce qu’« il lui appartenait, afin de déterminer si le projet litigieux pouvait bénéficier de l’exception aux règles de recul prévue à l’article A 3.2.1 du règlement du plan local d’urbanisme, de rechercher si le projet d’unité de méthanisation en cause pouvait être regardé comme une activité agricole au regard de la définition qu’en donne le lexique du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Bourg-des-Comptes, éclairée par les dispositions du code rural et de la pêche maritime citées [L. 311-1 et D. 311-38] ».
Précisément, l’article L. 311-1 dispose que sont réputées activités agricoles « la production et, le cas échéant, (…) la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d’exploitations agricoles », l’article D. 311-18 apportant d’utiles précisions sur la condition de provenance des matières premières et sur la nécessité que l’unité de méthanisation soit détenue par un exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des exploitants agricoles.
Ce faisant, le Conseil d’Etat valide la lecture faite, par plusieurs juridictions, des définitions d’une exploitation agricole au regard des dispositions du code rural (voir not. CAA Nantes, 2 août 2023, Société Agri Métha Nacre, req. n° 21NT00149 ; TA Orléans, 14 novembre 2022, req. n° 2000625 ; TA Melun, 10 mars 2023, Commune de Salins, req. n° 2109625).
Si, au cas d’espèce, la définition de l’exploitation agricole par le règlement du PLU reprend mot pour mot la définition donnée par l’article L. 311-1 du code rural, il est permis de penser que cette interprétation au regard des dispositions de ce code serait plus générale.
Il n’échappera pas en effet au lecteur attentif que cette interprétation se place dans le droit fil de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables qui a ajouté un III à l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme, qui définit les zones agricoles et forestières : « Lorsque le règlement n’interdit pas les constructions ou les installations mentionnées au II du présent article, les installations de méthanisation mentionnées à l’article L. 111-4 sont considérées comme de telles constructions ou de telles installations. Ces projets d’installations sont préalablement soumis pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. ».
De manière plus générale, il peut être argué que, lorsque la définition donnée par un PLU d’une destination est faite par référence à une législation indépendante du code de l’urbanisme, il pourra être utile de s’y référer, y compris en l’absence de renvoi, pour statuer sur l’inclusion ou non d’un projet dans le champ de ladite activité.
CE, 17 janvier 2024, Société Agri Bioénergies, req. n° 467572 et 467772, mentionné aux Tables