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Devoir de conseil du maître d’œuvre et conformité aux normes techniques

04 janvier 2024

Par une décision du 22 décembre 2023 à mentionner aux tables du Recueil, le Conseil d’Etat est venu préciser que le devoir de conseil du maître d’œuvre lors des opérations de réception implique qu’il signale au maître d’ouvrage toute non-conformité de l’ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l’art et aux normes qui lui sont applicables, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l’ouvrage.

En l’espèce, un bailleur social a porté la réalisation d’un ensemble de quarante logements. La réception de travaux a été prononcée avec réserves par des décisions des 2 novembre et 18 décembre 2015 et les dernières réserves ont été levées le 2 novembre 2016. A l’occasion de contrôles réalisés le 12 juillet 2016 par les services déconcentrés de l’Etat sur la conformité aux normes de construction, il est apparu que les logements ne respectaient pas les normes applicables en matière d’aération et d’accessibilité aux personnes handicapées. A la demande du bailleur social, l’entreprise intervenue pour les travaux a procédé aux mises aux normes nécessaires et le bailleur social a saisi le juge administratif aux fins de voir condamner le maître d’œuvre pour un montant correspondant aux travaux de mise aux normes effectués postérieurement à la réception.

Par un jugement du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande du bailleur social. A la suite de la procédure d’appel introduite par le maître d’œuvre, le jugement a été annulé, la Cour ayant estimé que « les non-conformités relevées par les services de la direction départementale des territoires, afférentes aux règles de construction des bâtiments d’habitation neufs, ne constituaient pas des non-conformités aux spécifications des marchés de travaux » et qu’elles n’auraient pu, par hypothèse, figurer au nombre des réserves pouvant assortir la réception.

Le Conseil d’Etat est venu censurer ce raisonnement pour erreur de droit en soulignant que le devoir de conseil du maître d’œuvre lors des opérations de réception s’étend à toute non-conformité de l’ouvrage aux normes qui lui sont applicables. Ce faisant, le Conseil d’Etat autorise le maître d’ouvrage à rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre pour un éventuel vice de conception qui ne pouvait, en principe, plus être recherchée après la réception de l’ouvrage. En effet, la réception d’un ouvrage, ayant un effet extinctif sur les rapports contractuels entre l’ensemble des parties à l’acte de construire, interdit au maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre pour un vice de conception, dès lors que ce dernier est rattaché, par construction, à une prestation indissociable de sa réalisation (CE 2 février 2019, Société Guervilly et autres, req. n° 423544). Ainsi, hormis le cas de réserves en ce sens exprimées par le maître d’ouvrage lors de la réception, il ne lui restait que la voie de la garantie décennale pour rechercher la responsabilité du maître d’œuvre au titre d’un vice de conception.

Certains vices de conception, tenant à l’absence de référence à une norme technique applicable dans les documents contractuels du marché de travaux, peuvent donc désormais être rattachés à la mission d’assistance aux opérations de réception du maître d’œuvre et donner lieu à une responsabilité contractuelle de ce dernier.

CE 22 décembre 2023, OPH Domanys, req. n° 472699

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