Le Conseil d’Etat vient de préciser que l’autorité administrative ne peut s’opposer à la cristallisation au jour de la décision annulée par le jugement ou l’arrêt, lorsque le pétitionnaire a confirmé sa demande d’autorisation d’urbanisme ou de déclaration, quand bien même le jugement ou l’arrêt ne serait pas définitif, l’autorité administrative pouvant retirer la décision prise sur le fondement de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme si ledit jugement ou arrêt fait l’objet d’un sursis à exécution ou est annulé.
Dans cette affaire, le maire d’une commune s’était opposé à deux déclarations préalables successivement déposées par les pétitionnaires. Ses deux arrêtés ont été annulés par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon le 20 décembre 2018.
Après deux nouveaux arrêtés de sursis à statuer du 24 janvier 2019, les pétitionnaires ont confirmé leurs déclarations pour bénéficier des anciennes dispositions du PLU. Le maire a récidivé en opposant deux nouveaux sursis datés du 15 février 2020 au motif que l’arrêt de la CAA de Lyon n’était alors pas définitif – sachant qu’aucun pourvoi n’allait être formé.
Pour rappel, l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme dispose que « Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire. ».
Faisant application de cet article, le Conseil d’Etat interprète de façon constructive la condition tenant au caractère définitif de l’annulation, qui doit s’articuler avec le délai de 6 mois dont dispose le pétitionnaire pour confirmer la demande.
D’abord, « lorsqu’un refus de permis de construire ou une décision d’opposition à une déclaration préalable a été annulé par un jugement ou un arrêt et que le pétitionnaire a confirmé sa demande ou sa déclaration dans le délai de six mois suivant la notification de cette décision juridictionnelle d’annulation, l’autorité administrative compétente ne peut rejeter la demande de permis, opposer un sursis à statuer, s’opposer à la déclaration préalable dont elle se trouve ainsi ressaisie ou assortir sa décision de prescriptions spéciales en se fondant sur des dispositions d’urbanisme postérieures à la date du refus ou de l’opposition annulé. ».
Comme le propose le Rapporteur public Laurent DOMINGO concluant sur cet arrêt, « même si le demandeur confirme sa demande dans les deux premiers mois, il y a lieu de statuer dans les mêmes conditions que si le demandeur avait confirmé sa demande après l’expiration du délai de recours : soit il y a un recours ; soit il n’y en a pas. ».
Ensuite seulement, le caractère non définitif du jugement ou de l’arrêt peut permettre le retrait de l’autorisation précaire, à condition de respecter les règles habituelles du contradictoire : « Toutefois, le pétitionnaire ne peut bénéficier de façon définitive du mécanisme institué par l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme que si l’annulation juridictionnelle de la décision de refus ou d’opposition est elle-même devenue définitive, c’est-à-dire, au sens et pour l’application de ces dispositions, si la décision juridictionnelle prononçant cette annulation est devenue irrévocable. Par suite, dans le cas où l’autorité administrative a délivré le permis sollicité ou pris une décision de non-opposition sur le fondement de ces dispositions, elle peut retirer cette autorisation si le jugement ou l’arrêt prononçant l’annulation du refus ou de l’opposition fait l’objet d’un sursis à exécution ou est annulé, sous réserve que les motifs de la nouvelle décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un autre refus, dans le délai de trois mois à compter de la notification à l’administration de cette nouvelle décision juridictionnelle. ».
En l’espèce, les juges du Palais Royal valident le raisonnement de la Cour administrative d’appel qui a annulé les deux sursis fondés sur l’état d’avancement du nouveau PLU à la date desdits arrêtés alors que les pétitionnaires avaient confirmé leurs déclarations préalables. Sur ce point, la circonstance que le maire ne pouvait ignorer qu’aucun pourvoi ne serait introduit dans les derniers jours restant « présente un caractère surabondant » puisqu’à supposer qu’il ait su qu’un pourvoi allait être déposé, le maire ne pouvait en tout état de cause s’en prévaloir.
Le Rapporteur public prend soin d’expliquer que cette solution permet d’éviter que l’administration vide la portée de cet article en opposant un refus au pétitionnaire qui confirme sa demande dans le délai de recours de 2 mois.
Plus encore, la solution inverse serait allée à l’encontre de l’interprétation d’une demande d’injonction du requérant comme valant confirmation de la demande au sens de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme (CE avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, req. n° 417350).
CE, 13 novembre 2023, Commune de Saint-Didier-au-Mont-d’Or, req. n° 466407, publié au recueil Lebon, et les conclusions.