Par une décision du 9 novembre 2023 à mentionner aux tables du Recueil, le Conseil d’Etat a précisé que la notification d’un décompte général, même irrégulier, fait obstacle à la possibilité offerte à l’entreprise de travaux de mettre en œuvre la procédure permettant de faire naître un décompte général et définitif (DGD) tacite.
En l’espèce, un centre hospitalier a confié un marché de travaux à une entreprise. Après réception des travaux, l’entreprise a notifié son projet de décompte final et le maître d’œuvre a notifié le décompte général faisant apparaître un solde négatif. La société a donc formé une réclamation au sens des articles 13.4.3 et 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG)–Travaux de 2009 applicable au marché, laquelle a été implicitement rejetée. Estimant ne pas être liée par un décompte général et la réclamation formée, elle a ultérieurement entendu faire naître un DGD tacite en notifiant au centre hospitalier un projet de décompte général signé pour finalement saisir le juge administratif.
La manœuvre de l’entreprise était habile car le décompte général notifié était entaché de deux irrégularités. Contrairement aux stipulations du CCAG-Travaux prévoyant une notification du décompte général par le représentant du pouvoir adjudicateur, le décompte général avait été notifié à l’entreprise par le maître d’œuvre et, selon les précisions de l’arrêt d’appel, le décompte général était signé, pour le maître d’ouvrage, par une personne qui ne disposait pas d’une délégation de signature en ce sens.
Le Conseil d’Etat a considéré que ces irrégularités ne pouvaient conduire à estimer que l’entreprise n’avait pas été rendue destinataire d’un décompte général qui pouvait être contesté, comme cela a été le cas en l’espèce, dans le cadre de l’article 50.1 du CCAG-Travaux.
Cette décision vient poursuivre la construction de l’équilibre délicat établi par le CCAG-Travaux visant, d’une part, à préserver le titulaire de l’inertie du maître d’ouvrage lors du règlement financier du marché et, d’autre part, à permettre le contrôle de la juste valorisation des travaux réalisés. Les effets pour le maître d’ouvrage, quoi que rudes, du DGD tacite, lequel solde définitivement le marché à partir des seules indications de l’entreprise, sont ainsi limités au bénéfice du maître d’ouvrage.
CE 9 novembre 2023, Société Transport tertiaire industrie, req. n° 469673