Dans un arrêt d’Assemblée du 11 octobre 2023, le Conseil d’Etat précise son office lorsqu’il est saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un refus de l’administration de faire cesser la méconnaissance d’une obligation légale, dans le contexte polémique du port de l’identifiant individuel par les forces de l’ordre.
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et l’association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), le Conseil d’Etat était amené à juger de la légalité du refus implicite du ministre de l’intérieur opposé à la demande de prendre toutes mesures utiles pour assurer le respect par les membres des forces de l’ordre de l’obligation de port visible de l’identifiant individuel.
Cet arrêt est donc l’occasion pour le juge administratif de préciser son office lorsqu’il est saisi en « REP-injonction » d’un refus de l’administration de faire cesser la méconnaissance d’une obligation légale.
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat apprécie alors si le refus de l’administration de prendre des mesures est entaché d’illégalité. Sur ce point, il est relevé que la méconnaissance de l’obligation du port du numéro d’identification individuelle est « très fréquente » et caractérise ainsi « une carence de l’autorité administrative à faire assurer son respect par ses agents ». Le refus de prendre les mesures utiles pour faire cesser cette méconnaissance est donc jugé illégal.
Dans un second temps, en cas d’illégalité du refus de prendre des mesures pour faire cesser la méconnaissance d’une obligation légale, le juge administratif est amené à enjoindre à l’administration de prendre les mesures nécessaires. En l’espèce, le Conseil d’Etat enjoint donc à l’administration de prendre toutes mesures utiles de nature à faire respecter l’obligation de port effectif et apparent de l’identifiant individuel ainsi que de modifier les caractéristiques de l’identification individuelle, « de façon à en garantir une lisibilité suffisante pour le public dans l’ensemble des contextes opérationnels ».
Ce faisant, le juge administratif ne précise pas la teneur de ces mesures utiles et refuse ainsi de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou leur enjoindre de le faire, motivation qui l’a conduit, dans une décision d’Assemblée du même jour, à rejeter l’action de groupe portée par un certain nombre d’associations pour enjoindre à l’Etat de faire cesser la pratique généralisée des contrôles d’identité discriminatoires (CE, Ass, 11 octobre 2023, Amnesty International France, req. n°454836).
CE Ass. 11 octobre 2023, Ligue des droits de l’homme, req. n° 46771