Par un arrêt du 19 juillet 2023 qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat étend l’exigence d’introduction d’un recours dans un délai raisonnable aux recours contestant la validité d’un contrat administratif.
Par un avis d’appel public à la concurrence, le ministre de la Défense avait lancé une procédure négociée ayant pour objet la fourniture d’heures de vol d’aéronef pour assurer des essais de matériel et l’entraînement des forces de la marine nationale. A l’issue de cette procédure, la société Seateam Aviation a été informée, par décision du 19 août 2010, du rejet de ses deux offres. La société a introduit, le 4 juin 2012, un recours en contestation de la validité du contrat finalement passé par le ministère devant le tribunal administratif de Toulon, qui a rejeté, d’une part, les conclusions tendant à l’annulation du contrat pour défaut de production de l’acte d’engagement signé et en l’absence de toute tentative de l’obtenir et, d’autre part, les conclusions indemnitaires pour défaut de décision préalable. La société Seateam se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 25 avril 2022 de la cour administrative d’appel de Marseille, en ce qu’elle a confirmé le rejet de ses conclusions tendant à la contestation de la validité du contrat.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat rappelle que le principe de contestation de la validité d’un contrat dans un délai de deux mois à compter de sa signature ne peut être opposable en l’absence de publicité suffisante des modalités de contestation du contrat. Cependant, le recours doit tout de même être introduit dans un délai raisonnable d’un an à compter de la publication au bulletin officiel des annonces des marchés publics, dans la lignée de la jurisprudence Czabaj (CE Ass.,13 juillet 2016, req. n° 398763).
Le Conseil d’Etat justifie cette décision par le principe de stabilité des relations contractuelles, en lien avec le principe de sécurité juridique. L’exigence de délai raisonnable possède un effet utile dès lors que ce type de recours n’est enfermé dans aucune fenêtre temporelle – comme c’est le cas pour le référé précontractuel, qui doit être formé avant la signature du contrat – ni dans aucune règle de prescription – à l’instar de la prescription quadriennale des demandes indemnitaires.
En outre, le fait de ne pas posséder l’acte d’engagement, en l’absence de justification d’une impossibilité d’obtenir le document, ne constitue pas une circonstance particulière justifiant la prorogation de ce délai raisonnable d’un an. L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille a ainsi été confirmé.
CE 19 juillet 2023, Société Seateam, req. n° 465308