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Condamnation de l’Etat à réparer le préjudice lié à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques

20 septembre 2023

Par un jugement du 29 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique au sens de l’article 1246 du Code civil, qui résulte de la « contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques », du déclin de la biodiversité et de la biomasse et de l’atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement.

 

Cinq associations de protection de l’environnement ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l’Etat à réparer le préjudice écologique causé par ses carences et insuffisances en matière d’évaluation des risques et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ainsi que leur préjudice moral et d’enjoindre à l’Etat de prendre toutes les mesures utiles pour mettre un terme à l’usage inapproprié de ces produits.

 

Dans cette affaire, le Tribunal retient que l’Etat a commis deux fautes en méconnaissant, d’une part, les objectifs qu’il s’était fixés en matière de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques et, d’autre part, l’obligation de protection des eaux souterraines. Il juge que le préjudice écologique présente un lien direct et certain avec ces fautes.

 

En revanche, en ce qui concerne les procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, le Tribunal a considéré, après avoir reconnu des carences fautives de l’Etat au regard du principe de précaution, que le lien de causalité entre ces insuffisances et le préjudice écologique n’était pas certain dès lors que le résultat des études supplémentaires n’était pas connu à la date de son jugement et « qu’il ne peut donc en être inféré avec certitude que cela aurait pour effet de modifier significativement la nature ou le nombre des produits phytopharmaceutiques mis sur le marché ».

 

En outre, le Tribunal considère que les fautes alléguées par les associations requérantes ne sont pas établies s’agissant des procédures de suivi et de surveillance des effets des produits phytopharmaceutiques autorisés, du défaut d’indépendance des missions d’évaluation et d’autorisation reproché à l’ANSES, de la violation de l’interdiction de mise sur le marché de produits présentant un risque de dommage grave et irréversible à l’environnement, de l’obligation de protection des eaux de surface et du non-respect des objectifs européens d’amélioration de la qualité chimique des eaux.

 

Dans ce cadre, le Tribunal enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents « de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et de nature à restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques, en particulier contre les risques de pollution », au plus tard le 30 juin 2024.

 

Enfin, l’Etat est condamné à verser un euro symbolique à chacune des associations requérantes au titre du préjudice moral subi.

 

Cette condamnation historique de l’Etat à réparer le préjudice écologique lié à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence administrative qui reconnaît l’existence d’un préjudice écologique résultant de la carence de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique.

 

TA Paris 29 juin 2023, Association Notre Affaire à Tous et autres, req. n° 2200534

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