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Rupture conventionnelle dans la fonction publique et entretien préalable

16 novembre 2022

Mécanisme classique en droit du travail, la rupture conventionnelle n’a été introduite au sein du droit de la fonction publique qu’à compter de l’adoption de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et n’est applicable que depuis le 1er janvier 2020. Le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique est ensuite venu apporter des précisions quant à la mise en œuvre concrète de cette nouvelle possibilité.  

Compte tenu de cette mise en œuvre récente, les jurisprudences relatives aux litiges susceptibles de survenir sont encore rares. C’est pourquoi la décision rendue par le Tribunal administratif de Paris le 13 juin 2022, en ce qu’elle apporte une précision sur la procédure devant obligatoirement être mise en œuvre par l’administration à la suite de la réception d’une demande de rupture conventionnelle, mérite d’être soulignée.

Il résulte de l’article 72 de la loi de transformation de la fonction publique susvisée que l’administration et son agent « peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions » de cet agent, ce qui entraînera radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. Cet article précise également que la rupture conventionnelle « ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ».

L’article 2 du décret du 31 décembre 2019 dispose qu’« un entretien relatif à cette demande se tient à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle. Cet entretien est conduit par l’autorité hiérarchique ou l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire ou son représentant. Il peut être organisé, le cas échéant, d’autres entretiens. ». L’article 4 précise quant à lui les sujets à aborder au cours de l’entretien préalable, à savoir les motifs de la demande de rupture conventionnelle et le principe de cette rupture, la fixation de la date de la cessation définitive des fonctions, le montant envisagé de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et les conséquences de la cessation définitive des fonctions.

Mais cet entretien préalable doit-il obligatoirement être mis en œuvre par l’administration destinataire d’une demande de rupture conventionnelle ? Le décret ne le précisant pas, il revenait au juge administratif de se prononcer. C’est ainsi que, par sa décision du 13 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a considéré que « Eu égard à l’objet de cet entretien, qui doit notamment porter sur le principe même de la rupture conventionnelle et alors même qu’une telle rupture ne peut résulter que de l’accord entre les parties intéressées (…) l’autorité administrative dont il relève ne peut légalement opposer un refus à la demande régulièrement formée par le fonctionnaire qui envisage une telle rupture sans avoir préalablement organisé l’entretien, dont la tenue présente une garantie »

C’est donc par application de la jurisprudence Danthony, selon laquelle un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie (Conseil d’État, Assemblée, 23 décembre 2011, req. n° 335033, publié au Recueil), que le Tribunal a considéré que la mise en œuvre d’un entretien préalable au refus de rupture conventionnelle était obligatoire, sous peine d’entacher ce refus d’un vice de procédure.

En l’espèce, si l’administration avait proposé à l’agent de la recevoir en entretien postérieurement au refus de rupture conventionnelle afin de lui expliquer les motifs de ce refus, cela n’a pas suffi, l’entretien prévu par le décret devant obligatoirement être préalable à la décision de refus. Le Tribunal a assorti sa décision d’annulation d’une injonction de réexamen de la demande de l’agent, dans un délai d’un mois à compter de la notification de sa décision.

Par conséquent, afin d’éviter une annulation contentieuse, il appartiendra à l’administration destinataire d’une demande de mise en œuvre d’une rupture conventionnelle de systématiquement organiser un tel entretien préalable, même si elle entend in fine rejeter cette demande.

Cette solution a par la suite également été retenue par le Tribunal administratif de Lille, dans une décision du 20 juillet 2022, assortissant cette fois-ci l’injonction de réexamen de la demande d’un délai de deux mois (TA Lille, 20 juillet 2022, req. n° 2005180).

Une autre décision récente portant sur la procédure à mettre en œuvre en cas de demande de mise en œuvre d’une rupture conventionnelle doit également être mentionnée. En effet, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que l’agent qui sollicite une rupture conventionnelle ne dispose pas d’un droit à l’obtenir, alors même que l’autorité hiérarchique dont il dépend aurait émis un avis favorable sur sa demande, et que l’administration n’est pas tenue de répondre explicitement à la demande de rupture conventionnelle dont elle est saisie par l’un de ses agents, son silence pendant plus de deux mois valant alors décision implicite de rejet (TA Lyon, 5 juillet 2022, req. n° 2102884).

TA Paris, 13 juin 2022, req. n° 2100749

TA Lille, 20 juillet 2022, req. n° 2005180

TA Lyon, 5 juillet 2022, req. n° 2102884

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