La décision rendue par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 15 juin dernier apporte des éclaircissements bienvenus sur la possibilité d’attraire devant une juridiction française la banque étrangère dans les livres de laquelle le compte bénéficiaire du virement frauduleux est ouvert.
Dans cette affaire, une société française a effectué plusieurs virements, depuis son compte ouvert en France vers un compte ouvert au Portugal, dont les coordonnées lui avaient été communiquées par une personne se faisant passer pour le chef comptable d’une société française avec laquelle elle était en relation d’affaires.
Reprochant aux deux banques des manquements à leurs obligations professionnelles, la victime les a assignées aux fins de condamnation solidaire à lui payer une indemnité correspondant aux sommes détournées.
La banque portugaise a critiqué la compétence du juge français.
Pour décliner la compétence des juridictions françaises, la cour d’appel a retenu que le dommage consistait en l’appropriation indue des fonds qui se serait produite non pas au siège de la société victime mais au Portugal.
La Cour de cassation, au visa de l’article 7.2 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis) qui prévoit qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut en matière délictuelle être attraite devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit, a infirmé le raisonnement de la Cour d’appel.
Plus précisément, la Cour de cassation a retenu que « le préjudice purement financier s’était réalisé directement sur un compte bancaire de la société Immobilière 3F ouvert en France, à la suite d’un virement ordonné pour le paiement d’un cocontractant français dont il était allégué qu’un tiers avait usurpé la qualité, de sorte qu’il lui appartenait, pour exclure la compétence des juridictions françaises, de rechercher si les autres circonstances particulières de l’affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
Cette clarification devrait, non seulement, profiter aux victimes de ces agissements mais également, aux banques françaises qui se retrouvent en pratique bien souvent seules à assumer la réparation du préjudice financier de leurs clients.
Cass. 1re civ., 15 juin 2022, n°21-10.742, Publié au bulletin