Par une décision en date du 3 mai 2022 le Conseil d’Etat a validé une méthode d’évaluation des offres qui consiste à apprécier les offres par l’attribution de flèches de couleurs ayant des orientations différentes.
Dans cette affaire, la commune de Saint-Cyr-sur-Mer avait lancé une procédure en vue de l’attribution de sous-concessions de la plage artificielle des Lecques. Dans son règlement de consultation, la collectivité avait choisi une méthode de notation qui consistait à apprécier les offres en fonction de flèche de couleurs ayant des orientations différentes. Autrement dit, la flèche verte pointée vers le haut correspondait à la meilleure note, tandis que la flèche rouge pointée vers le bas correspondait à la moins bonne, avec deux flèches intermédiaires.
Un concurrent évincé a introduit un référé contractuel devant le Tribunal administratif de Toulon qui a annulé la procédure de passation au motif qu’« une telle méthode, qui limite la valorisation des offres à cette utilisation de signes sans autre affinement ou conversion en une note chiffrée laisse une trop grande part à l’arbitraire et ne permet pas d’assurer l’égalité de traitement entre les candidats ».
La Commune s’est donc pourvue en cassation à l’encontre de l’ordonnance rendue par le Tribunal.
Dans cette décision, le Conseil d’Etat transpose sa jurisprudence Commune de Belleville (req.n° 373362), rendue en matière de marchés publics, aux contrats de concession. Il il rappelle que l’autorité concédante est libre de déterminer sa méthode de notation et que celle-ci n’est irrégulière que « si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère de sélection sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation ou, le cas échéant, leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que l’autorité concédante, qui n’y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode d’évaluation ».
Faisant application de ces principes, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance au motif que le tribunal administratif de Toulon a commis une erreur de droit en jugeant que la méthode de notation « laisse une trop grande place à l’arbitraire » sans rechercher si la méthode d’évaluation retenue n’était pas, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères ou à neutraliser la hiérarchisation qu’avait retenue l’autorité concédante.
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat considère la méthode de notation qui consiste apprécier les offres au regard d’un système d’évaluation de quatre flèches est régulière. Il juge que cette méthode permet de comparer et de classer les offres sur chaque critère de telle sorte qu’elle ne prive pas les critères de leur portée ou qu’elle ne conduit pas à neutraliser l’un des critères.
Comme le résume la rapporteure publique Mireille Le Corre, « L’évaluation par les flèches était précédée d’une appréciation littérale, qu’elle ne faisait que synthétiser de façon visuelle. Et, même si nous pensons que dans le cadre d’une concession, avec hiérarchisation et sans pondération, une note n’était pas nécessaire, ni même un équivalent visuel sous forme de flèches convertissables en notes, on pourrait, en tout état de cause, sans difficulté estimer que ces quatre types de flèches pouvaient être converties en quatre notes de 1 à 4 sur 4. La méthode n’a pas porté atteinte à l’égalité de traitement, elle était transparente, et aucun élément n’établit qu’elle aurait conduit à ne pas attribuer le contrat à l’offre présentant le meilleur avantage économique global ». CE 3 mai 2022, Café Compagnie S, req. n° 460090